Année A : Mardi 1ere semaine Avent (litaa01m.13)
Luc 10, 21-24 : ce qui est dit reste à dire
Il ne suffit pas de te prêcher, mon Dieu, pour te mettre au jour dans le cœur des autres. Il faut dégager chez l'autre la voie qui mène à toi, mon Dieu. Ces mots d'Etty Hillesum en route vers Auswitch et extrait de son journal (Une vie bouleversée, Points Seuil, 1995, p. 208) en plus de bien arrêter ce qu'est évangéliser et qu'à compris François Xavier, ouvre un chemin interpellant pour notre Avent. Ces mots sont un chemin pour mettre Dieu au jour dans les cœurs des autres (Sullivan). Pour dégager chez l'autre la voie qui mène à toi, mon Dieu.
Il ne suffit pas de bien parler de Noël. L'annoncer sera toujours une œuvre inachevée. Un travail jamais complété. Dans notre humanité, rien n'est jamais acquis une fois pour toute. Comme elle est interpelante, cette formule lapidaire de Jean Sullivan, poète et écrivain de l'intériorité, ce qui est dit reste à dire. L'avenir de notre foi repose sur la nécessité et notre capacité de tirer du neuf de ce trésor. De rendre crédible notre héritage qui ne sera jamais qu'un simple patrimoine. De re-susciter (avec un trait d'union) Noël à chaque époque de notre histoire.
Il faut avoir soi-même appris à nous recueillir en nous-même, à naître progressivement à ce que nous sommes, c'est-à-dire des «nés» de Dieu, à avoir fait l'expérience de Dieu, de ce Dieu qui s'est abaissé, s'est courbé jusqu'à nous; il faut avoir éprouvé que Jésus est l'un des nôtres, né d'une femme et qu'il est le seul qui peut sans usurpation ni mensonge se donner un nom sacré (Charles Guay, 1815-1892); il faut mener une vie de louange et gloire, Père je te rends grâce, comme vient de l'exprimer l'évangile, pour dégager chez l'autre la voie qui mène à Dieu. Pour lui annoncer Noël.
Le prieur de Tibhirine, Christian de Chergé, raconte qu'un incroyant russe venu visiter son monastère en Algérie lui demande en le quittant : Pour vous, enfin, qu'est-ce que c'est que la foi ? Je lui ai dit : Qu'est-ce que vous voulez : la définition des livres, celle du catéchisme, celle de mon Église ? Il a dit : Cela ne m'intéresse pas ; ce qui m'intéresse, c'est : pour vous... qu'est-ce que c'est que la foi ? (Extrait de Retraite sur le Cantique des cantiques, Nouvelle Cité, 2013). Notre monde n'est pas intéressé de savoir ce que le catéchisme, notre Église, dit sur Noël. Il veut nous entendre dire dans nos mots et nous voir vivre au quotidien ce qu'est Noël.
Le plus important [dans la vie], disait l'astronaute James Irwin, ce n'est pas que l'homme ait marché sur la lune, mais c'est que Dieu ait marché sur la terre. Ajoutons qu'il est entré dans nos cœurs humains. Le meilleur antidote contre un Noël sans Dieu, c'est de cultiver ce recueillement, celui de Marie, qui permet à Dieu de naître en nous. De cultiver notre écoute pour nous habiller, revêtir (Rm 13,14) dit Paul, de louange et d'appréciation. Au quotidien, nous devons goûter ce recueillement et faire éprouver ce sentiment constant d'être avec lui et lui avec nous. N'est-ce pas là la joie de Noël !
En chacun de nous, c'est la conviction profonde du pape François, se trouve un lieu en attente de ce Dieu qui désire s'y introduire comme invité d'honneur qui transformera nos manières de vivre jusqu'à permettre au loup d'habiter avec l'agneau, dit le prophète Isaïe. Sur ce terrain, rien n'est gagné d'avance. L'important n'est pas de réussir à la perfection ce vivre ensemble. C'est impossible tant coexiste en nous l'ivraie et le bon grain (Mt 13, 24-30), lumière et ténèbres (Lc 11, 34-36). L'important, c'est d'être en marche, sans jamais s'arrêter même si l'on dévie. L'important, c'est d'être en état d'exode et de ne pas laisser nos soucis entraver cette naissance de Jésus en nous.
À votre contemplation : nous sommes tous nés spirituellement de Jérusalem (cf. Ps 87,4) déclarait le pape François, recevant dernièrement (21 novembre) des représentants de l'Église du Moyen-Orient. Nous avons tendance à perdre de vue cette affirmation-conviction qui est au centre de toute vie chrétienne. Nous sommes des nés, des «re-nés» de Bethleem, des «ordonnés» à mener une vie de louange, d'émerveillement pour ce Dieu qui nous fait un petit verbe (Thomas Merton) pour le faire naître dans les cœurs. AMEN.
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