Année C: Lundi 1er semaine CARÊME (litcc01l.13)
Mt 25, 31-46 Nous irons tous au paradis
La perte du déclin des pratiques religieuses ne semble pas avoir affecté ce que Matthieu appelle le jugement dernier. Ce que vous avez fait... Autour de nous, dans tous les milieux, la tendance populaire reconnait qu'un jour justice sera faite. Mais justice non dans le sens d'un jugement sévère. D'une condamnation mais d'une réhabilitation. Pour le commun des mortels condamner n'est pas le propre de Dieu. Dieu est trop bon pour nous voir malheureux.
Ce que nous dit cette page tellement entendue de Matthieu qu'elle risque d'être mal-entendue, c'est que Dieu se réserve la possibilité de percer la bonté qui est profondément enfoui dans le coeur des humains. En chacun de nous, il y a une demeure inaccessible à l'autre. En chacun de nous, il y a un « Je suis» imprenable auquel personne ne peut accéder, sauf Dieu.
Ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes et dont nous ignorons souvent la beauté première et indélébile tant nous nous sommes sévères dans nos regards sur nous-mêmes, n'est pas un mystère pour Dieu qui sonde les reins et les coeurs (Ps 7, 10). Matthieu nous le confirme le dernier regard de Dieu sur nous est un regard sur la personne que nous sommes et non sur nos actes, un regard qui déborde le visible, un regard d'un fin connaisseur de l'humain. Dieu nous a créé essentiellement à son image, sa ressemblance.
Dieu se refusera toujours de signer ce que nous entendons souvent autour de nous : Je te connais comme si je t'ai tricoté. Une telle affirmation détruit toute possibilité de croissance. Elle décrète que l'autre est incapable d'étonner, incapable de surprendre, incapable de sortir du schéma dans lequel nous l'avons enfermé. Il nous faut éviter le danger de croire définitif notre savoir sur les autres, ce qui nous maintient dans une posture de toute-puissance sur l'autre. De supériorité sur l'autre.
La finale de cette parabole fait apparaître que notre Dieu est Dieu et non pas homme (Os 11, 9).Qu'il s'applique à lui-même une manière de vivre qui rehausse notre qualité de relation humaine entre nous : ne vous posez pas en juges afin de ne pas être jugés. C'est de la façon dont vous jugez qu'on vous jugera (Mt 7, 1-2).Le Dieu qui se profile au terme de cette parabole est un Dieu pour qui l'être humain existe au-delà de ses actes. L'affirmation de Paul là où la faute a abondé, la grâce à surabondé (Rm 5, 20) illustre bien ce regard inconditionnel de Dieu sur nous. La finale de cette parabole oriente nos regards sur des gestes-fondateurs d'une terre neuve. De ce royaume clamé par Jésus.
Saintetés, en inaugurant ce carême, il est réconfortant d'observer par cette parabole inaugurale que nul n'est bon que Dieu seul (Mc 10, 18). Lent à la colère (Ps 7, 12). Il est apaisant de réaliser que Dieu projette sur nous un autre regard que celui que nous avons sur nous-même. Dans cette très riche parabole, Jésus nous fait entendre - encore faut-il que nous soyons capable d'entendre cela- que notre plus grand péché -quel mot bizarre à notre époque ! - est de nous mépriser en ne portant pas sur nous et les autres le regard de Dieu.
Devant ce regard de Dieu qui n'a pas peur de nous, de nos actes, une question surgit et que j'entends de chacune d'entre vous : irons-nous tous au Paradis ? Dom Elder Camara répond dans la réécriture en des mots d'aujourd'hui de son credo : je crois que l'homme vivra de la vie de Dieu pour toujours. Benoît XV1 écrivait dans son encyclique sur l'espérance (#47) que [c'est] le regard du Christ, le battement de son coeur [qui] nous guérissent. Il ajoutait que dans cette rencontre avec le Christ se rend évidente aussi la compénétration de la justice et de la grâce: notre façon de vivre n'est pas insignifiante, mais notre saleté ne nous tache pas éternellement (#47).Un théologien Daniel Marguerat vient de titrer son dernier livre : nous irons tous au paradis. Le jugement dernier en question, Éditions Albin Michel 2012. Il en conclue que notre Dieu sait reconnaître que ce qu'il a crée est fondamentalement bon et beau.
À votre contemplation: C'est notre occupation principale [durant ce carême) que de former Jésus en nous (Ga 4, 19), c'est-à-dire de le faire vivre et régner en nous (Jean Eudes). Maintenant s'accomplit dans cet eucharistie, ce que vous venez d'entendre. Dieu nous offre de participer à une table paradisiaque. AMEN
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