Année B: Mardi 3e semaine de Pâques (litbp03m.12)
Jn 6, 30-35 : le premier repas du monde nouveau.
Pour annoncer Pâques, Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, écrite vingt-quatre ans environ après la mort de Jésus, présente le récit le plus primitif du mémorial eucharistique. J'ai reçu de ma part ce qu'à mon tour je vous ai transmis : Le seigneur la nuit où il fut livré, prit du pain et après l'avoir rompu dit : Ceci est mon corps, faites cela en mémoire de moi. Et Paul conclut : chaque fois que vous mangez ce corps et buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne (1 Cor 11, 23-26).Chaque fois, vous annoncez sa résurrection, vous annoncez qu'il est vivant.
Pour Paul, la table du pain et celle du matin de Pâques sont deux déflagrations cosmiques, dirait Teilhard de Chardin, d'une explosion dont les réactions en chaine parviennent encore jusqu'à nous. La vie terrestre de Jésus fut un repas pour un nouveau monde qu'il va confirmer au matin de Pâques en invitant à déjeuner sur le bord du lac (cf. Jn 21).
Quand, au soir de sa vie, Jésus prit du pain entre ses mains et le donna, il déclara : Prenez et mangez. Comme s'il nous disait : Je m'en remets entre vos mains. Faites de moi ce qui vous plaira. Quoi que vous fassiez de moi, je vous en remercie (Père Daniel-Ange).Qu'il est humble ce Dieu qui s'en remet entre nos mains ! Quelle confiance ce Jésus place-t-il entre nos mains qui le reçoivent ! À l'aurore d'un grand dimanche, sans éclat pour éviter de s'imposer, avec une discrétion qui contraste mal avec l'importance de l'événement, Jésus continue à être un «petit verbe» du Père : C'est moi, venez et voyez, n'ayez pas peur. Et Paul ajoute: soyez des ressuscités (Col 3, 1).
L'eucharistie enclenche la Passion. La Passion appelle l'eucharistie. Pâques sculpte en nous ce corps du Christ livré et ressuscité. Pâques, comme notre eucharistie quotidienne, est une bonne nouvelle qui change notre existence quotidienne, nos manières de vivre. Qui restitue notre dignité (cf. Benoît XVI, Message pascal 2012). Pour François d'Assise, l'eucharistie est le moyen de contempler la Résurrection, cette plénitude de l'amour de Dieu pour nous. Pour lui, chaque eucharistie renouvelle ce grand matin du monde et contribue à répandre la bonne odeur pascale,cette fièvre d'amour qui a brûlé le cœur de Jésus au soir du Jeudi saint.
Quand, s'interroge saint Augustin (IVe siècle), le Seigneur a-t-il voulu se manifester ? 'À la fraction du pain'. Il n'a voulu être reconnu qu'à ce moment à cause de nous qui ne le verrions pas dans la chair et mangerions pourtant sa chair. Nous pouvons en être sûrs : en partageant le pain, nous reconnaissons le Seigneur.
Mais attention, ce pain, comme Pâques, n'est pas une évasion de nos Galilée. Reconnaître Jésus le vivant ne sera jamais une évasion du monde. Je vous verrai en Galilée. Dans l'acte de croire comme dans celui de prendre et manger de ce pain, se trouve la mission de nous tourner vers le «dehors». C'est notre rencontre avec le Vivant qui donne le goût aux autres de se tourner vers le Ressuscité.
Saintetés, pouvons-nous contempler dans ce petit morceau de pain ordinaire que Jésus s'approche et marche avec nous (Lc 24) ? Pouvons-nous reconnaître que la parole et le pain réchauffent nos cœurs jusqu'à nous faire rebrousser chemin même si, dans nos cœurs, il y a joie et douleur et sur nos visages sourires et larmes (Benoît XVI, Message pascal 2011) ? Oui, le Seigneur ne s’est pas laissé connaître [seulement] en parlant, il s’est découvert en mangeant (Grégoire le Grand, VIe siècle).
Au matin de Pâques, des femmes allèrent embaumer le corps du Christ, se demandant comment elles pourront enlever la pierre du tombeau. Elles en sont revenues parfumées de la bonne odeur du Christ (2 Cor 2, 15)tant elle avaient vues le Seigneur. Comprenons : tant elles avaient fait l'expérience d'une rencontre, pas nécessairement physique, qui a transformée leur vie.Depuis 2000 ans, en recevant ce pain, nous vivons cette même rencontre et devenons, comme ces femmes, la bonne odeur du Christ tant nous voyons en lui (ce pain), le grand vivant.
À votre contemplation: Voici l'Époux, le Ressuscité qui vient. Comme hier, il nous rejoint sur nos routes, prend le temps de s'asseoir à notre table et nous réchauffe le cœur. AMEN.
Ajouter un commentaire