Année B: Samedi 26e semaine ordinaire (litbo26s.12)
Jn 15, 1-8 : Marie-Rose Durocher, demeurez dans mon amour
Pour m'exprimer avec des mots évangéliques, Mère Marie-Rose est une femme bien ordinaire d'ici qui a su déchiffrer les signes des temps (Mt 16, 3). Et ce n'est pas si simple que cela. Interpréter les signes des temps et y répondre, ce n'est pas seulement sentir l'esprit d'une époque, en saisir ces urgences, c'est écouter ce que l'Esprit dit aux Églises (Ap 2, 7). Cette lecture n'est jamais faite une fois pour toute.C'est une tâche qui revient à chacun d'entre nous. Si, écrivait, il y a plus de cinquante ans, Albert Dondeyne, dans La foi écoute le monde, Éd. Universitaire, 1964, p. 12, le christianisme a peu de créance auprès du monde moderne ce n'est pas pour avoir trop parlé, mais pour ne pas avoir assez écouté.
La foi de Mère Marie-Rose était une foi à l'écoute du monde de son temps. Elle a lu les événements de son temps, les a écoutés, décryptés. Elle y a apporté sa réponse. En célébrant aujourd'hui cette femme de chez nous, née pas très loin d'ici à Saint Antoine du Richelieu, nous sommes conviés à franchir le fossé, le mot est de Paul VI dans son encyclique sur l'évangélisation du monde, entre notre culture et celle de l'évangile.
Le prix à payer, et en cela Mère Marie-Rose nous guide, est de parler avec les analphabètes de Dieu autour de nous la langue que Dieu parle (Jean de la Croix). Pas facile. Jésus a refusé les mots institutionnels de son temps. Il n'a dégagé qu'une joyeuse nouvelle avec les mots, les images parlantes de son époque, de sa culture. Ce fut le défi de Mère Marie-Rose et de ses premières compagnes s'adressant aux enfants. C'est le nôtre, aujourd'hui. C'est devenu un fait incontournable, notre langage pour l'ensemble de nos contemporains, est à cent lieux de ce qu'ils vivent. Il est devenu une langue de bois, celle d'une monnaie qui n'a plus cours que dans le milieu limité de ses adeptes (John A. Robinson).
Aujourd'hui, comme chrétiens, prêtres, religieuses ou religieux, nous sommes renvoyés à lire les signes des temps avec une clé de lecture d'un autre regard que ceux des journaux quotidiens. En dépassant le dualisme ciel et terre qui ne passe plus. L'actualité oblige à observer le faible impact des valeurs chrétiennes sur notre société. Il s'agit de prêter l'oreille à la parole des prophètes de notre temps que sont ces hommes et ces femmes qui font entendre les cris ou balbutiements du peuple des béatitudes (Mt 25), ces «indignés» de nos rues et parcs.
Comment est-ce possible ? Non pas en ayant la prétention de réformer la société, prétention que n'a jamais eu Mère Marie-Rose, mais en prenant au sérieux le chemin que vient de nous suggérer l'évangile. Demeurez dans mon amour. Silouane préfère affirmer que nous sommes le paradis de Dieu. C'est beau, et cette image-là passe bien. Nous avons besoin de trouver Dieu, d'en être son paradis pour que nos actions laissent voir un Dieu vivant et non pas un Dieu mort. Plus nous demeurons en Dieu dans la prière silencieuse, plus nous pouvons le donner dans notre vie active. Sans la plénitude de la contemplation, dit saint Thomas d'Aquin, il ne peut y avoir d'action apostolique authentique.
Si en toute circonstance, Mère Marie-Rose a donné le primat à la compassion, c'est parce qu'elle a laissé sourdre Dieu du dedans (Jean Lavoué). Parce qu'elle a développé la bonne habitude de vivre par en dedans ce qu'elle montrait à l'extérieur. C'est notre contemplation de Dieu qui donne la perfection et le prix de nos œuvres (François de Sales). Elle ne s'est pas contentée de dire le mot amour mais elle l'a sauvé de la mort en le vivant au plus intime d'elle-même.
L'histoire ne rapporte pas de ravissements ni d'extases en la vie de Marie-Rose parce que ses ravissements ont été continuels. Sa vie fut comme un doux fleuve qui va toujours coulant et presque imperceptiblement du coté de cette union à libérer l'évangile qui est l'âme du monde. La vie de Mère Marie-Rose confirme que personne ne progresse malgré les épreuves et défis quotidiens mais grâce à eux.
À votre contemplation ces mots qui terminent la première lecture et qu'a signé de sa vie Mère Marie-Rose: qui donc est vainqueur du monde ? N'est-ce pas celui croit que Jésus est fils de Dieu et, ajoute Jacques, c'est par mes actes que je montrerai ma foi (Jc 2, 18). AMEN.
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