Année A: 15e dimanche ORDINAIRE (litao15d.11)
Matthieu 13, 1-9 quelle terre sommes-nous ?
À écouter en profondeur cette lecture du semeur, une conclusion étonnante s'impose : il se passe quelque chose d'étonnant, d'admirable que nous ne voyons pas. La force de vie qu'il y a dans ce grain de blé, nous ne la voyons pas. Nous ne le voyons pas murir. Nous voyons seulement la récolte. Voyez le grain qui meurt. Aucun regard ne l'aperçoit mais notre coeur peut deviner dans le pain, sa présence (Hymne liturgique).
Par cette parabole dont le langage agraire est d'une autre époque et qui risque de nous détourner de sa richesse, Jésus ouvre nos regards sur ce qui est plus fondamental. C'est çà l'évangile. Porter un regard intérieur, sur nos vies et celles des autres. Le journaliste André Frossard pour qui l'existence de Dieu ne se posait même pas, en attendant un jour un ami près de la chapelle des soeurs de l'Adoration réparatrice, y entra. Il faut foudroyer d'entendre résonner en lui une certitude toute simple: «vie intérieure». Il en sortit affirmant que Dieu existe, je l'ai rencontré.
À travers cette parabole, Jésus laisse voir que la vie n'est pas seulement ce que nous voyons. Le grain de blé a une «vie intérieure» qui n'est pas tuable. Nous voyons les événements que nous présentent les mass-médias. Nous percevons peu l'histoire sous-jacente qui les a provoqués. Les apparences sont trompeuses.
C'est très facile, trop facile d'identifier les rater de la foi, la rareté des chrétiens aux eucharisties. C'est très facile, trop facile de faire miroiter les dernières statistiques sur les fermetures d'églises bâtisses. Nos cinémas intérieurs sont saturés d'informations plutôt négatives sur notre monde. Nos conversations aussi. Nous ne voyons pas, nous n'entendons pas le bruit de la Parole qui pousse dans les coeurs. Vous avez des yeux et vous ne voyez pas. Vous avez des oreilles et vous n'entendez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouchés les yeux.
Cette parabole nous parle d'un Dieu un peu distrait, d'un Dieu «gaspilleux» tant il jette avec abondance sa semence n'importe où, n'importe comment, sans porter attention à la qualité du sol parce qu'il sait que sa Parole ne retournera jamais à Dieu sans avoir accompli sa mission (1ière lecture). Il ne vise pas le titre d'expert en analyse de la qualité du sol. Pour lui aucun sol n'est hostile. Il ne fait acception de personnes (Paul). Cette parabole nous parle d'un Dieu dont la priorité n'est pas de faire du bruit mais de grandir dans les coeurs. Nous ne voyons pas l'histoire de la germination de la Parole de Dieu dans les coeurs. La visibilité, la rentabilité de son travail ne sont pas sa priorité. Il est venu pour semer. C'est tout. Il est venu nous offrir une semence aux fruits juteux, un trésor inestimable où tous les mortels trouvent ce qu'ils désirent, pourvu qu'ils acceptent de l'y chercher (Thérèse d'Avila).
Nous avons besoin d'entendre aujourd'hui une autre parole que celle dont parle Paul dans la lecture tantôt : celle de la désolation du temps présent. Nous avons besoin d'entendre qu'il y a en chacun de nous, incluant les plus inhumains des humains, une terre, une bonne terre qui timidement montre le bout de son nez. Nous avons besoin de voir à travers des indices comme l'émergence d'une recherche très prononcée pour une vie de prière authentique, à travers ces JMJ qui se vivront le mois prochain, à travers cette immense solidarité dont nous sommes témoins, que la Parole de Dieu est en gestation dans nos coeurs. Dans les coeurs.
Du temps eucharistique pour entrer en nous-mêmes, car c'est là que se trouve le terrain favorable pour laisser la semence prendre vie en nous. Pour laisser la Parole-semence nous nourrir. Portons sur ce pain un regard qui voit l'invisible, un regard assez perçant jusqu'à affirmer que le petit peu de pain que nous lui apportons va maintenant se transformer en son corps livré pour nous. C'est étourdissant que d'affirmer cela. Mais cette parole-semence de vie -ceci est mon corps - a un goût différent pour chacun d'entre nous. Elle a le goût de notre foi dans ce pain livré pour nous. AMEN.
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