Année A Mercredi de la 33e semaine ordinaire (Litao33.11)
Lc 19,11-28 : des petites choses aux allures de grandes choses
Beaucoup d'images plus parlantes les uns que les autres nous sont offertes en nourriture ces derniers jours. Que ce soit celle de l'aveugle (lundi) demandant non la richesse (étonnant à nos oreilles !) mais seulement de voir, de voir non l'éphémère mais la lumière, la vraie lumière sans commencement et sans fin; que ce soit celle de Zachée (mardi) qui entend Jésus, malgré son indignité évidente, souhaiter demeurer chez lui et qui questionne ainsi notre propre attitude a exiger «maison nette» avant de le laisser demeurer en nous par l'eucharistie ; que ce soit celle de la générosité de Dieu (aujourd'hui) nous remettant rien de moins que sa création; toutes ces images, si nous savons nous y prédisposer par des exercices quotidiens de réchauffement, parlent d'un appel à nous émerveiller de ce que nous sommes aux yeux de Dieu.
Pour le dire dans des mots d'un auteur de VIe siècle (Romanos le Mélode, v. 560), ces images confirment que Jésus est descendu sur terre - le temps de l'Avent, la préface de l'Avent nous fera réentendre cette suave mélodie - te prendre aux cieux, (qu') il est devenu mortel pour que toi tu deviennes Dieu et que tu revêtes ta beauté première. Il ajoute ces mots d'une telle beauté et d'une telle profondeur que nous avons peine à les entendre tant ils sont trop beaux pour nos oreilles obnubilées par l'éphémère, nous sommes de la poussière rénovée (Gn 2, 7),[de] la cendre divinisée.
Comment pouvons-nous entendre autrement un tel empressement de Jésus en réponse à la foi de l'aveugle, va ta foi t'a sauvée ? Comment ne pas être bouleversé par un tel souci inestimable de Jésus à demeurer chez Zachée pour, de l'intérieur, lui faire découvrir la beauté d'une vie ouverte sur les autres - je donnerai la moitié de mes biens ? Comment rester imperturbé et imperturbable, de roc, devant une telle générosité du Maître qui pour nous donner tout l'espace disparait...au loin pour, à son retour, nous en donner encore plus - parce que tu as été fidèle en si peu de choses ! Entendons saint Augustin nous dire en référence avec ce passage de Luc : Les petites choses restent petites, mais être fidèle dans les petites choses est une grande chose. Nous ne sommes pas appelés à réussir, mais à être fidèles aux petites choses de notre quotidien...c'est à moi que vous l'avez fait, dira Matthieu dimanche prochain. N'oublions jamais cette beauté cachée dans les petites choses que nous faisons.
Jésus, et dire que nous sommes portés à l'accuser d'être trop invisible, absent, ne veut ni intervenir, encore moins être accusé de collusion. Il nous estime trop, nous respecte trop, pour avoir tout manigancé jusqu'à nous remettre «clé en main» son œuvre. Il nous estime tellement qu'il nous a modelés à son image : libres. Et cette liberté dont parle l'apôtre Paul, c'est être oublieuse de nous-mêmes (Élisabeth de la Trinité) pour ne tenir compte que de la manière de vivre que Dieu veut pour nous.
Devant nos yeux ce matin, en cette fin de l'année liturgique, se profile une invitation: entre dans la joie de ton maître. Il ne convient pas de perdre de vue cette vision, cette invitation qui motive une manière de voir autre chose que l'éphémère mais la Lumière qui brille déjà. Il ne convient pas d'entrevoir, fut-ce un seul instant, que nos demeures sont indignes de Le recevoir ou de réduire à néant tout risque en refusant de faire profiter ce que nous avons reçu.
Jésus nous a ouvert les yeux. Il a lui-même fait le ménage de nos cœurs. Il nous a donné des talents. Ces trésors nous sont donnés pour voir et faire voir la Lumière de sa présence dans les ténèbres, pour contribuer à rendre les cœurs ouverts à le recevoir. Il nous a donné ces talents-trésors pour qu'ils soient multipliés en donnant, en partageant, en investissant, comme nous l'enseigne la manière de vivre de Marie qui sera au cœur de notre Avent. Elle n'a pas gardé pour elle le don le plus précieux de tous. Parce qu'elle a offert, donné son Fils au monde, elle s'est méritée d'être une fidèle servante et d'entrer dans la joie de son Maître et Fils.
Saintetés, ces images que nous offrent les textes ces derniers jours sont à dévorer. Ne laissons pas Jésus pleurer sur la ville (évangile de demain), pleurer sur nos manières de vivre toutes centrées sur nous. Ainsi nous entendrons Jésus nous dire avec joie : puisque tu as été fidèle en peu de chose. AMEN.
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