Année C : Lundi 11e semaine ORDINAIRE (litco11l.10)
Matthieu 5, 38-42 : la loi nouvelle
Dans un monde où l’idéal est de placer la tranquillité personnelle au-dessus de tout, est de mener une petite vie tranquille, sans soucis, sans complications, nous devons, comme chrétiens, prêtres, religieuses, nous maintenir en état de lutte permanente. C’est tellement facile aujourd’hui de ne penser qu’à nous-mêmes, même si, devant nos yeux, se présentent tant d’appels à l’aide, tant de tribulations, pour parler avec des mots bibliques.
C’est presque devenu une devise propre à notre génération de clamer présentement qu’il n’y a rien de mal à se faire plaisir, rien de mal à se venger, à persécuter ses persécuteurs, à désirer ou convoiter son voisin ou voisine. Dans notre culture «pas dans ma cour», notre "moi" est devenu tellement important et autonome, qu’il ne supporte pas d’autre loi que la sienne propre. Il ne sait plus s’immerger en Dieu et sa loi nouvelle parce que cela est perçu comme une limite à sa liberté.
Aujourd’hui, cet évangile nous lance un appel, je dirais humanitaire, un appel à devenir humain : n’y-a-t-il pas en nous, en chacune de nous, un décalage entre nos idéaux humains et la vie que nous menons? N’est-il pas devenu aujourd’hui rarissime de nous engager à vivre et à promouvoir en acte l’existence de l’autre, à devenir en acte des baptisés immergés dans un grand et universel mouvement de comportements nouveaux? Il est plus urgent de savoir qu’il existe un appel à ne pas agir œil pour œil, un appel à devenir une vivante parole de Dieu.
La réalisation de cette page de l’évangile passe par un véritable arrachement à jeûner de nos « moi», à oublier nos rancunes, à réduire à néant nos impulsions spontanées à vouloir faire payer à l’autre ce qu’il nous fait vivre. La loi nouvelle nous évite à mener une vie de repliement sur nous-mêmes, de nourrir un esprit de riposte permanent ou encore de nous dorloter dans nos colères.
La Bonne nouvelle de ce passage de lévangile, comme de tout l’Évangile d’ailleurs, vise à nous intégrer à un «Moi» plus grand que nos «moi» mesquins. Jésus veut nous arracher, et je paraphrase Pierre, à l’esclavage de notre «moi», de l’œil pour œil qui nous domine (2 P 2, 19). Jésus nous offre de vivre dans un paradis retrouvé. Il se soucie de nous voir vivre dans un Royaume au vaste horizon plutôt que de vivre replié sur nous-mêmes. Par notre baptême, par notre consécration religieuse, nous sommes voués à n’avoir qu’un seul cœur, à vivre en paix les uns avec les autres. N’ayez qu’un seul cœur, vivez en paix les uns avec les autres (2 Co 13, 11).
Il y a un proverbe en Irak que partageait le roi Acab (première lecture) : tout ce qui est interdit est désiré. Il a tout fait jusqu’à manigancer la mort de Naboth, pour s’emparer de sa vigne fructueuse qu’il enviait. Pour nous éviter de reproduire un tel comportement, cette page nous présente une belle folie de Dieu à notre endroit. Jésus veut nous voir fous d’une vie à son image et ressemblance, capables de vivre entre nous de cette communion égalitaire qui existe en lui. Nous sommes tous un peu fous; mais, avouons-le, Dieu, en désirant cela, est encore plus fou que nous.
Ce dont nous avons besoin en ce moment de notre histoire d’ici, ce sont des chrétiens, des hommes et des femmes assez fous pour rendre crédible ce désir, cette folie de Dieu de nous voir vivre – et cela s’apprend en le regardant vivre – en humains véritables, ce qui nous introduit dans un paradis retrouvé que l’Évangile appelle le royaume de Dieu parmi nous.
À votre contemplation : n’ayons pas peur du Christ et de sa loi nouvelle que je te prescris aujourd'hui [et qui] n'est pas au-delà de tes moyens ni hors de ton atteinte (Dt 30, 8-14). AMEN.
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