Année C : Vendredi 7e semaine de Pâques (litcp07v.10)
Jn 21, 15-19 : Pierre m’aimes-tu?
L’essentiel de ce grand dimanche qui s’achève peut se résumer dans cet écrit testamentaire que seul l’Esprit de Dieu a pu souffler dans le cœur du frère Christophe de Tibhirine, un peu avant sa mort : Je suis ressuscité, je peux mourir! Répondre à cette question de Jésus à Pierre, c’est affirmer nous aussi : je suis ressuscité, je peux mourir à moi-même. C’est une question de mort à lui-même, un appel à mourir à lui-même que soumet Jésus à Pierre.
Impossible de répondre tu sais bien que je t’aime sans cette mort à nous-mêmes. Ce temps pascal, comme l’évangile de saint Jean que nous lisions tout au long de ce grand dimanche et qui s’achève par une question, conduit ceux et celles qui la reçoivent à vivre, par leur réponse, leur heure de glorification, comme Jésus. Si nous recevons les paroles de Jésus – je vous ai aimé – comme il nous les a dites, nous percevons que nous aussi sommes déjà glorifiés (voir mon homélie du lundi de la sixième semaine de Pâques 2010).
Jean termine son discours sur la Pâque de Jésus, que nous avons entendu depuis une dizaine de jours, par la prière dite sacerdotale où Jésus, en état de prière au milieu de ses disciples, nous fait connaître ses dernières volontés (Jn 17, 20-26). Chaque mot de cette prière, chaque silence sont chargés d’une intense émotion.
Jésus prie pour nous, pour chacun de nous. Il nous prie d’avoir en nous l’amour dont lui, Jésus, a été aimé de son Père : Qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé et que moi aussi je sois en eux! Voilà le désir de Jésus au terme de sa vie, désir qu’il ne cesse de nous exprimer par sa question : m’aimes-tu?
Jésus, que le frère Roger de Taizé appelle Amour de tout Amour, que le poète Patrice de la Tour du Pin nomme Amour qui m’aime plus que mon cœur ne s’aime, veut, par sa question, que nous sachions combien nous sommes aimés de cet amour infini qu’il partage avec son Père, de cet amour d’unité dans l’accueil mutuel, dans le don, comme nous le dira la fête de la Trinité qui s’annonce. Cet amour que Jésus nous fait connaître par sa question, c’est l’Esprit saint.
Pour nous, Jésus demande l’Esprit Saint, cet Esprit d’amour, cet amour qui planait sur les eaux et les berça du premier souffle, cet amour qu’il a répandu sur nous, en rendant son souffle sur la Croix, pour que nous deve-nions pleinement fils avec lui, vivants ensemble d’un seul cœur et d’une seule âme (Ac 4, 32), cet amour qui, au jour de la Pentecôte, nous envoie répondre à sa question dans le monde entier en vivant comme lui.
Au terme de ce grand dimanche, éprouvons cette joie de recevoir sa question non comme un reproche pour nos trahisons mais comme sa prière : Jésus nous prie d’entrer dans son amour, de vivre de son amour. C’est en nous sachant aimer par l’Amour même, que nous sommes entraînés par l’intérieur à répondre : tu sais bien que je t’aime.
Saintetés, peut-être ne pouvons nous pas répondre maintenant tu sais bien que je t’aime tant nous ne sommes pas prêts à dire je suis ressuscité, je peux mourir, mais nous pouvons déjà nous laisser aimer. Nous pouvons déjà être des adorateurs de cette question. À nous que le poids des années handicape, voilà notre mission : être pour notre monde des adorateurs de cette question qui termine l’évangile de Jean.
À votre contemplation : ces mots de Patrice de la Tour du Pin : La fin, la seule fin de tout, est d’adorer […] Il suffit d’être […] Vous avez tout en vous pour adorer! Faisons nôtre cette question et nous pourrons affirmer, comme Jean nous le laisse voir en final de son Évangile : nous sommes aimés, des aimés de Dieu. Cette certitude nous oblige à clamer je peux mourir à moi-même. Elle nous conduit au don de nous-même afin que le monde sache que l’Amour qui se fait pour nous eucharistie d’amour, est aimé d’amour. AMEN.
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