Année A : Vendredi 6e semaine ORDINAIRE (Litao06v.08)
Mc 8, 34-9,1 suivre Jésus ou imiter Jésus
Hier, en réponse à Pierre qui déclarait « tu es le Messie », Jésus révélait « pour la première fois (Mc8. 30)» à ses disciples qu’Il devait beaucoup souffrir. Pierre s’y opposa avec une telle force que Jésus ajouta « Passe derrière moi, Satan (Mc8, 33) ». Aujourd’hui, Marc précise ce que cela signifie : « Si quelqu'un veut marcher derrière Moi, qu'il prenne sa croix et qu'il Me suive ! ».
Cette déclaration de Jésus nous la comprenons habituellement du coté du disciple. À y prêter attention, elle est aussi l’une des plus belles définitions sur l’identité de Jésus. Avant de nous inviter à Le suivre, à «marcher derrière Lui», Jésus nous en a donné l’exemple. Avant nous, Il a pris ce chemin. Il a marché derrière son Père.
Son invitation à Le suivre ouvre à notre contemplation ce qu’a été toute sa vie. Elle nous donne à voir une vie abîme de dépossession de Lui-même. Une vie qui « respire » (Zundel) la générosité. Une vie « présence » permanente à son Père. Jésus a mené une vie délivrée de Lui-même, de Sa volonté, délivrée du cauchemar de s’auto regarder. Jésus n’a regardé que le Père. Il s’est donné à Lui. Jésus n’a regardé que l’humanité. Il s’est livré à elle et pour elle. Infiniment ouvert au Père. Infiniment ouvert à chacun de nous. Il appartenait au Père. Il appartenait à chacun de nous. Il ne s’appartenait plus. Question : une telle manière d’exister, est-ce une croix ou un chemin d’accomplissement ?
En nous lançant cet appel à « marcher derrière Lui », Jésus nous délivre de nous-mêmes. Un chartreux disait que demeurer attaché à nos volontés, à nos désirs de toute sorte « ce n’est pas le joug divin… c’est un collier étouffant » (La volonté de Dieu, vives flammes, mars 2008, #270, p.25). Répondre à cet appel, c’est user de ce pouvoir merveilleux de faire de nos vies des vies offrandes au Père. C’est décider de ne plus être réduit à subir nos « moi », à s’auto admirer, à s’auto louanger. C’est nous ouvrir à cette liberté de nous distancer de nous-mêmes pour nous enrichir des autres. Jésus nous offre de nous enrichir en nous dépossédant.
Cet appelanéantit ce que Georges Minois, marxiste, affirmait (Minois Georges,histoire de l’athéisme, 1998 p 593 cité par Debains Paul,problème que nous sommes p. 52) « la dernière valeur sacré est le moi ». Paul ne craignait pas d’inviter les romains à méditer ce message qui ressort de la vie de Jésus : « Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur. Nous appartenons au Seigneur (Rm14, 7)».Aux Philippiens, il leur demandait « de ne plus se préoccuper d’eux-mêmes mais des autres (Phi2,1 ) »
Ce qui est vraiment crucifiant, c’est de passer nos vies à nous admirer. À rechercher l’accomplissement de nos volontés. Ce qui est vraiment crucifiant, c’est de nous appartenir plutôt que librement appartenir au Christ comme le Christ appartenait au Père. Suivre Jésus n’est pas un engagement à éteindre en nous ce que nous sommes. C’est un engagement à découvrir que nous ne sommes pas comme la fête de la Trinité nous le dira dimanche, des solitaires. La réalisation de nous-mêmes s’accomplit- paradoxe- par notre capacité de ne plus nous posséder, nous appartenir.
À votre contemplation, faisons nôtre ces mots que Jésus exprimait à Catherine de Sienne : « je ne veux pas violer les droits de votre liberté, mais dès que vous le désirez, Moi-même, je vous transforme en moi et je vous fais Moi ».Tout le travail de l’Esprit est de nous donner cette audace de nous détacher de nos volontés, de nos désirs. Quel malheur il y a d’avoir beaucoup de « dévotion » pour nos « nous-mêmes » et peu pour entendre Jésus nous dire « Je vous fais Moi ». C’est le non accueil de cette invitation qui rend notre joug difficile à porter. Nos vies deviennent alors infernales parce que vécues à rechercher nos propres volontés. Suivre Jésus, c’est accepter de vivre notre quotidien comme une vie offrande au Père. Ne passons pas à coté de ce trésor de mener une vie eucharistique que Dieu à chaque matin, place à la portée de nos vies. AMEN
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