Année A : Vendredi 12e semaine ORDINAIRE (litao12v.08)
Mtt8, 1-14 : Le lépreux- histoire d’un face à face
Pour terminer mes «visitations» chez vous, une page d’une grande sobriété, marquée par un face à face inouï entre deux «désobéissants» à la loi : le lépreux qui en courant vers Jésus, ne respecte pas la loi et Jésus qui en allant vers lui, ne fait pas mieux. Face à face unique entre deux «têtus» : le lépreux «veut» être guéri envers et contre tout «si tu veux» et Jésus «veut» aussi lui manifester toute sa compassion. «Je le veux». Face à face inconcevable entre deux contagions : celle de la sainteté de Jésus qui attire et celle de la lèpre qui éloigne. Face à face sublime entre un humain et un divin sans que nous sachions quelle est la part de l’un et de l’autre.
Il faut nous laisser impressionner par une telle sobriété qui dégage autant d’affrontements, de faces à faces et qui nous révèle à la fois le mystère Jésus et le nôtre. Ce qui se dégage et nous bouleverse dans ces faces à faces, c’est d’observer qu’entre Jésus et nous, entre nous et Jésus, il y a une mutuelle attirance. Une mutuelle séduction. Une contemplation réciproque.
Jésus est tellement «saisi jusqu’aux entrailles», séduit par ce «Si tu veux» qu’il s’empresse au risque de sa vie, de «tendre la main, de [le] toucher» et de lui dire à son tour, son «je le veux» divin. En posant ce geste déraisonnable de toucher l’intouchable, Jésus nous révèle quelque chose du mystère de sa personne. Peu à peu, progressivement, Jésus, ce grand prophète qui a visité son peuple, commence à se montrer sous son vrai jour. Il laisse voir son identité. Il n’est pas seulement Quelqu’un qui parle avec autorité, pas seulement Quelqu’un qui attire les foules par ses guérisons, pas seulement plus grand que le plus grand des prophètes, Il est Quelqu’un qui purifie comme Dieu seul peut le faire: «je le veux, soit purifié». Il est l’action de Dieu lui-même.
Quant au geste du lépreux, il confirme que rien, aucun comportement extrême ni déraisonnable, rien n’est assez contagieux qui puisse repousser Jésus. Qui puisse Le contaminer. Même s’il n’a pas la «sainteté» nécessaire pour approcher Jésus, même s’il n’a pas la dignité exigée pour se présenter devant un tel Maître, même s’il n’a rien à perdre, il risque l’audace de sortir de son enfermement jusqu’à «se prosterner devant lui». Il n’y a pas plus engageant, de plus risqué que de dire à Jésus : «Si tu veux, tu peux me purifier ».Il engage sa foi et son espérance en Celui qui peut tout.
Contemplatives, contemplatifs ce face à face de deux contagions, de deux volontés, de deux hors la loi par leur désobéissance, décrit notre histoire individuelle et ecclésiale. Ce serait admirable si nous avions la beauté du lépreux qui s’est refusé de vivre à l’écart malgré sa lèpre. Il nous appartient d’avoir le courage de ce lépreux, et, quelle que soit l’étendue de notre misère, de nous jeter au pied de Jésus et de nous laisser toucher par Lui. Comme hier, notre geste audacieux, notre face à face avec Jésus nous conduira à la vie, à la santé et Lui à la mort, à la Croix. En faisant sienne la croix du lépreux, les nôtres, Jésus ne joue pas au thaumaturge pour épater les foules, il fait un pas de plus vers La Croix. «Je le veux», c’est-à-dire j’accepte de prendre votre croix et de la faire mienne.
À votre contemplation : cette vie inattendue, cette vie inimaginable que «je le veux» de Jésus a redonné au lépreux, elle devient nôtre maintenant dans cette eucharistie. Entendons Jésus nous dire ces paroles presque inaudibles, ces paroles «grand mystère de foi», «je le veux, ceci est mon corps. Je le veux ceci est mon sang versé pour vous». AMEN.
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