Année A : Mardi 10e semaine ORDINAIRE (litao10m.08)
Mtt 5, 13-16 : sel de la terre
D’abord une question de mots : il n’est pas dit : « Soyez le sel de la terre » ou « Devenez-le ». Il est dit : « Vous êtes le sel de la terre ». Aux yeux de Jésus, nous sommes « condamnés » à l’enfouissement, à demeurer de petits cristaux de sel minuscules. Quelle mission que de disparaître pour donner du goût, de la saveur à notre terre! Pas facile surtout quand le texte ajoute : « Si le sel se dénature ». Si nous perdons cette mission d’enfouissement, nous ne servons plus à rien. Nous contribuons à maintenir sans saveur la Parole de Dieu. En des mots tout simples, Matthieu profile devant nos yeux, le mystère de notre identité chrétienne, celui de l’anéantissement comme chemin pour éveiller le «goût de Dieu» dans les coeurs.
Cette mission-là (ce fut le thème des journées mondiales de la jeunesse à Toronto en 2002), Jésus nous la confie au terme de son discours sur les béatitudes. Ceux qui vivent les Béatitudes, qui les prennent au sérieux, sont «sel de la terre». Dès le 2e siècle de l’ère chrétienne, l’auteur de la lettre à Diognète écrivait : «Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde». Il ajoutait ceci : «le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter». Une telle mission serait impossible, prétentieuse si Dieu n’en était pas l’origine. C’est Dieu qui fait de nous ce que nous sommes.
Si comme chrétiens, si en lisant l’Évangile, nous sommes à la recherche de quelque chose de «cool», d’original, quelque chose que nous ne retrouvons nulle part ailleurs, dans aucune autre spiritualité, Jésus au terme du sermon sur la Montagne, nous l’offre en nous conviant à nous donner une manière «originale» de vivre, une manière «cool» diraient les jeunes : «Ayez du sel en vous-même» (Mc 9, 50). Désormais, être doux, modeste, miséricordieux, juste, artisan de paix, souffrir persécution pour la vérité, voilà ce qu’est être «sel» aux yeux de Dieu. Voilà la mission qui nous est confiée à l’heure où nous sommes saturés de paroles de toutes sortes. Il ne s’agit plus d’ajouter des paroles qui risquent de se perdre dans un flux asséchant de paroles, il s’agit d’être «sel et lumière». Ça ne fait pas de bruit, mais ça donne de la saveur à la vie. Ça éclaire et questionne d’autres manières ou comportements.
Pas mal comme originalité surtout que nous voyons ou soupçonnons qu’il y a des vies, des manières de vivre qui n’ont aucun goût, aucun sens, des goûts de mort. Il y a des manières de vivre affadies, contre nature. Ces manières sont axées sur le succès facile, fascinées par la célébrité d’un instant, aveuglées par le culte de se faire plaisir à tout prix, marquées par la fuite dans la consommation.
En même temps que Jésus nous convie à vivre son propre kérygme d’enfouissement comme chemin pour donner du goût à notre monde, c’est ça le mystère de la Personne de Jésus, il ajoute et c’est l’autre volet paradoxal de notre identité, d’être «lumière du monde». «Vous êtes la lumière du monde». «Que votre lumière brille devant les hommes. Alors en voyant ce que vous faîtes de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux» (Mtt5. 16). Mission d’enfouissement, mission d’éclairer non dans le sens de nous faire «admirer devant les hommes» (Mtt 6, 1-18), mais d’éclairer la maison tout entière de Jésus. Si la mission d’enfouissement à la manière du sel est difficile, celle d’être «lumière» est fragile, car un tout petit souffle d’air, de vent contraire, peut la faire vaciller et s’éteindre.
Cette mystique de l’enfouissement et de la fragilité, cette impossible, mais nécessaire mystique de ne plus se regarder, nous la retrouvons dans l’itinéraire de la veuve de Sarepta, cette «veuve parfaite» (saint Ambroise) qui, dans la confiance, a tout donné en offrant le «peu de farine» qui lui restait. Bel exemple que « faire du bien » - partage ton pain- ne fait pas mourir mais donne de la pérennité à nos vies.
À votre contemplation : à l’heure où cette manière de vivre (enfouissement à la manière du sel) se dénaturalise; à l’heure où en Occident l’a priori négatif contre la religion et la foi de nos pères nous pousse, par respect, dit-on, à mettre sous le boisseau la lumière de notre foi, osons croire, osons vivre simplement à la manière de cette veuve de Sarepta comme «sel de la terre et lumière du monde». AMEN.
Évangile:
Année:
Pérode:
Date:
Dimanche, 1 juin, 2008
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