Année A : Lundi de la 29e semaine ordinaire (litao29l.08)
Eph2, 1-10. Lc 12, 13-21 Vivre sans être des propriétaires avares
« Tu es fou ». Cette folie dont vient de nous décrire Luc, ressemble étrangement à notre manière de vivre. Ne sommes-nous pas, nous aussi, des passionnés par les biens de toutes sortes ? Ne sommes-nous pas désireux d’une vie toujours plus confortable, plus riche, plus indépendante? Ne sommes-nous pas toujours en train d’accumuler des choses ? « Comment pouvez-vous être assez fou » avait demandé Paul aux Galates (3, 3) qui s’étaient éloignés de l’Esprit de Dieu, pour « ne compter que sur la chair » (3,4), que sur les biens périssables ?
Questions : comment comprenons-nous ce « tu es fou »? Comment comprenons-nous ce « pouvez-vous être assez fou » de Paul aux Galates ? Pour plusieurs, il s’agit d’une condamnation de la méchanceté de cet homme. D’autres y voient un jugement sévère sur une manière de vivre. Condamner, juger ne ressemble pas à la manière d’agir de Jésus qui ne méprise personne.
« Tu es fou » -celui de Jésus comme celui de Paul- est un appel à nous libérer de nos enfermements sur nos « moi », « nous vivons suivant les tendances égoïste, cédant aux caprices de nos raisonnements » ( 1re lecture) un appel à quitter cette tendance narcissisme qui nous caractérise tant, à vider nos greniers pour prendre notre envol, pour vivre au grand air. « Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie, tout passe mais Dieu ne change pas » (Thérèse d’Avila). « Tu es fou », un appel a « devenir riche en vue de Dieu ». Que de soucis nous avons pour ce que nous n’avons pas! Le mot « je », « moi » apparaît plus de dix fois dans cette courte parabole. Il y a une différence entre faire ses courses pour la semaine et accumuler.
« Tu es fou» appel à nous réveiller pour sortir de nos petits mondes, à cesser de désirer être le centre du monde. Un dramaturge anglais qui rencontrait un ami de longue date qu’il n’avait pas vue depuis longtemps, lui dit : « Nous n’avons pas assez de temps pour parler de nous deux, parlons de moi ». L’imitation de Jésus-Christ, ce traité spirituel du 15e siècle, écrit que « Tout passe. Tu passeras avec tout ce qui t’entoure. Prends garde de t’attacher à quoi que ce soit (à toi) car tu serais pris et perdu ». Lâcher nos « moi » pour tomber dans le « moi » divin, dans les mains du Dieu vivant.
Saintes femmes, que cherchons-nous dans la vie? Marchons-nous vers un narcissisme –et c’est un peu cela le danger du 4e âge de la vie – toujours en croissance ou vers quelque chose que nous nommons : être des évangiles vivants ? Nous le voyons présentement la sécurité apportée par le compte en banque, l'immobilier ou le prestige est illusoire. « Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie ». Nous sommes des êtres de désir. Dieu nous a créés en état de désir. Il ne s’agit pas d’étouffer cela mais d'orienter cette extraordinaire puissance vers la vie ou vers la mort. Que désirons-nous le plus dans nos vies ? Que faisons-nous de cette force de vie que Dieu a déposée en nous? C'est la seule véritable question, le seul enjeu sur lequel Jésus nous interroge, dans l'évangile que nous venons d'entendre. Et Paul nous a dit tantôt que si nous trébuchons, Lui, « Dieu lui est riche en miséricorde. Avec lui, il nous a ressuscités, il nous a fait revivre » à nouveau.
À votre contemplation : cette Parabole est révélation du vrai visage de Dieu. Un Dieu qui ne peut comprendre nos désirs d’avoir, de posséder toujours plus, de remplir davantage nos greniers parce que Lui, Dieu, il n’en a aucune expérience. Il n’a aucune expérience de la possession parce que sa nature même –et c’est la grande révélation qui s’offre à voir dans la Trinité- est d’être anti-possession. Dieu n’est pas « crispé » par Lui-même (Zundel) alors que nous le sommes. Dieu n’a aucune tendance à préserver son territoire alors que nous passons nos vies à défendre nos territoires. Cette manière d’être de Dieu est quelque chose qui nous est absolument incompréhensible. Cette parabole nous montre notre Dieu. Elle nous montre aussi, dans les très beaux mots d’un livre de Maurice Zundel « le problème que nous sommes ». Que cette eucharistie nous plonge un peu plus dans ce grand mystère d’une vie décollée de nous-mêmes et qu’elle nous rende don total comme Lui. AMEN.
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