SAINT JOSEPH
Aujourd'hui nous ne rêvons que d'actions éclatantes, de visibilités, d'exploits. Devant nos yeux, un homme dont la seule réussite fut l'effacement. L'enfouissement en Dieu. Exploit difficile à comprendre pour nous. Pourtant c'est cette réussite là qui nous fait Évangile. Devenir effacement, devenir Évangile, c'est la même chose. Pour comprendre cela, il faut consacrer beaucoup de temps à nous retirer à l'écart pour connaître et imiter ce Jésus.
Joseph aurait facilement signer ces mots de Jeanne Schmitz-Rouly(1891-1979) cette mère de famille, veuve avec trois enfants dont on ignorait tout de son intense vie spirituelle jusqu'à la découverte en 1994 de son journal intime. " Le mot exister, c'est quand je n'existe plus qu'il est vrai. Je sens que je n'existe plus mais qu'IL existe " . Elle fait allusion à ce que disait Paul aux Galates " Ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ " (2,20). Plénitude de bonheur qu'être englouti en Dieu. Etre englouti, c'est disparaître. " Celui qui est uni à Dieu est un même esprit avec lui " (1 Cor 6,17) Ne plus vivre de son moi, ne plus exister pour donner toute la place à l'autre. Mystère d'effacement. Mystère d'abaissement, d'anéantissement en Dieu. C'est le chemin que nous offre Joseph en ouvrant notre rendez-vous chez Dieu.
Effacement, c'est le sens de la vie de Jésus. C'est le sens de la vie de Joseph et de Marie. C'est l'incontournable chemin de notre devenir Évangile. Mener une vie cachée en Dieu . (Robert Langeac). " Il s'est anéanti ". Il s'est fait le plus bas pour s'assurer que personne ne prenne sa place. En venant vers nous, Dieu en Jésus s'est caché tellement enfoui dans l'humain que les humains ne l'ont pas reconnus (Jn 1, 10) Il a mené durant 30 ans une vie d'effacement, une vie cachée en Dieu son Père.
Joseph, " cet ombre du Père " selon la belle expression d'André Doze (Ed Lion de Juda 1989), Joseph, " l'homme qui aimait Marie " pour citer le titre d'une pièce théâtrale, a réussi à devenir effacement. Cela exige une grande force, une grande vie intérieure constante. Sa réponse à l'ange qui l'invitait à ne pas craindre de prendre Marie pour épouse comme celle de partir pour l'Égypte sans questionner ne s'explique que par sa proximité au quotidien avec " ce mystère caché depuis des siècles " qui a établit sa demeure sous son toit.
La discrétion des Évangiles sur la figure de Joseph nous pousse à intuitionner que toute sa vie, Joseph a vu, touché le verbe de Vie. Impossible d'être effacement sans avoir rencontré Dieu. Tellement effacé que même dans une société nettement patriarcale, il n'a pas cherché à défendre ses intérêts. Il était un homme juste, ajusté à Dieu par son obéissance à la Loi, tellement ajusté à Marie par amour qu'il ne l'a même pas soupçonné d'infidélité, ajusté à lui-même par une droiture qui ne tolère pas l'hypocrisie.
Ce sont ces ajustements jusqu'à devenir la " plus parfaite image de son Fils " qui lui a permis de laisser toute la place à Jésus, aux autres, sans perdre la sienne. Une vie enfouie en Dieu et son projet. En retour de cette vie d'effacement mystique, Dieu lui a fait grâce de "porter" son Fils, " d'en prendre soin" Aussi.
Ce que Joseph nous dit en ouvrant ce week-end: Il a tellement trouvé exigeant de suivre le projet de Dieu qu'il a voulu tout laisser tomber, de " répudier Marie secrètement", de la quitter sur la pointe des pieds (Mtt01,18-24). Il a réalisé dans sa vie ce que Ben Sirac le sage (2, 1) écrivait: " si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l'épreuve "
À votre contemplation: Ce ne fut pas facile pour Joseph ni pour Marie d'accueillir Jésus. Pas facile de devenir imbattable d'effacement ! Devant l'énormité de l'appel à nous effacer pour laisser à Jésus tout l'espace, devant l'énormité de la mission de mener une vie publique en cachée en Dieu qui nous est demandée, nous préférerions nous aussi nous retirer sur la pointe des pieds. Nos souliers sont trop grands pour Dieu. Nous sommes ici- 48 heures- pour redire comme Joseph OUI en puisant notre force dans ce nom de Jésus – ce Dieu qui sauve – dont l'ange lui révéla le Nom . Celui que le Père Salingardes appelle " le saint de la nuit" nous convie a tellement regarder Jésus que notre bonheur sera grand d'imiter sa pauvreté jusqu'à mener une vie simple, une vie qui ne s'acquiert qu'à force de détachement. Une eucharistie pour apprendre que nous ne sommes pas Évangile pour parler de nous-même ( nous sommes des envoyés) ni sur nous-mêmes mais pour devenir "présence réelle" de Jésus . AMEN
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