Année B : 19e dimanche ordinaire (litbo19d.06)
Jn 6, 41-51 : Une saveur à partager
« Je suis le pain vivant descendu du ciel ». Ces paroles furent prononcées par Jésus à la synagogue de Capharnaüm. Elles étaient d'une audace suprême. Elles le demeurent encore aujourd'hui.
L'évangéliste rapporte les réactions, récriminations de l'assistance. Qui peut descendre du ciel? Comment peut-il se prendre pour le pain de Vie? Nous connaissons ses parents. Audace suprême. Jésus ne s'embarrasse pas de précautions élémentaires. Il veut éveiller à autre chose : Il déclare qu'il est Vie, Pain de Vie.
Pour vous ce matin, je déclare : « Je suis pain de vie ». Audace suprême. Ce pain dit la passion de Dieu pour la vie, ce pain dit sa passion. Au soir de sa propre vie, Jésus rendit grâce et mangea le premier de ce pain pour le salut du monde. Désormais manger de ce pain signifie devenir « grain de blé qui jeté en terre donne beaucoup de fruit (Jn12:23)». « Deviens ce que tu es » (Augustin). Deviens par ce Pain, sacrement de ton frère. « Qui mange de ce pain vivra »
Saint Paul vient de nous dire que nous vivons mal nos vies, que nous vivons à rabais nos vies, que nous nous entretuons quand nous nourrissons « l'amertume, la colère, éclats de voix ou insultes ainsi que toute espèce de méchanceté ». Pour bien vivre nos vies, un chemin nous est proposé : regarder en profondeur ce « le pain descendu du ciel ». Regarder en profondeur pour saisir que ce pain est tellement source de vie que ceux qui s’en approche dans la foi, sont délivrés de la mort spirituelle. «Qui en mange goûtera comme est bon Seigneur (Ps) ».
Nos vies ressemblent souvent à celle du prophète Élie, découragé dans le désert, traversant l’une de ces nuits noires de la foi et qui demandait la mort tant il trouvait pesant le poids de la vie, le poids de la route pour annoncer le règne de Dieu. Il s’est fait dire de se lever et de « manger car la route sera longue.
Il faut plusieurs coups d’œil pour apprécier une œuvre d’art. Il faut un regard prolongé pour devenir des « experts en contemplation de l’eucharistie » (Jean-Paul 11, 12 avril 2004). Il faut éduquer notre regard à « manger des yeux » la beauté de ce pain pour mieux en apprécier la saveur. Il faut longuement regarder pour contempler, manger pour goûter en sachant que nous ne serons jamais pleinement rassasiés de ce que nous mangeons et voyons. « Si Dieu pouvait nous rassasier (Maître Eckhart), il ne serait plus Dieu ». Une oeuvre d'art qui nous rassasie n'est plus une oeuvre d'art.
Ce pain a le goût de notre « expertise » à le savourer. « Chacun goûte en lui une saveur différente »( Baudoin de Ford) Il n’a pas la même saveur pour un jeune et un plus âgé, pour un moine ou moniale et pour un chrétien engagé dans sa foi, pour un politicien et un catéchète, pour un riche et un pauvre. Plus notre foi est grande, plus nous le goûtons avec ampleur sans jamais pouvoir « exprimer tous les délices de ce sacrement » (St Thomas d’Aquin). « Nous qui avons été chassé du paradis à cause de la nourriture, c’est par une autre nourriture que nous retrouvons les joies du paradis (Saint Damien).» « Si nous ne voyons en Jésus que le Fils de Joseph », nous récriminerons nous aussi. Nous refuserons d’y voir un pain livré, un pain de vie « descendu du ciel » et qui fait vivre.
A l'heure où notre foi est confrontée à des défis et malaises de toutes sortes, il nous faut comme le prophète Elie, "manger" pour que «fortifiés par cette nourriture» nous reprenions la route des témoins de ce Pain.
En recevant ce Pain ce matin, « nous ne recevons pas seulement une Parole, mais nous sommes entraînés dans l’acte d’offrande du Christ ».Nous sommes entraînés à mener une vie offrande au Père pour sa gloire.Je termine par cette question que posait Jean-Paul 11 dans son encyclique sur l’eucharistie : « qu’est-ce que Jésus pouvait bien faire de plus pour nous? ». Élisabeth de la trinité dont nous célébrons le centenaire de sa mort cette année répond : « rien ne dit plus l’amour du cœur de Dieu que l’Eucharistie ». Pour ce pain de vie qui descend du ciel pour transformer ces hosties en son corps, que les mots du psaume deviennent les nôtres : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. » AMEN
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