ANNÉE A : Vendredi de la 3 ième semaine du CARÊME A
Mc 12, 28b-34 AIMER un chemin pascal
"Que votre cœur est lent à comprendre". Lent à comprendre que cette page est aussi vieille que le monde. Elle origine bien avant le livre du Lévitique. Cette page-commandement était à l'origine une manière d'être. Une manière de vivre entre nous. Une manière de vivre ensemble sans animosité, sans rancune, sans revendication, sans chercher son intérêt. (1 Cor13, 1-13) Une manière de vivre en état de grâce réciproque.
Il y a mille et une manières d'atténuer l'impact de cette page. Mille et une manières d'alimenter une complaisance autosuffisante, d'insinuer des circonstances atténuantes qui détruisent la beauté de nos origines. Il y a des signes qui ne trompent pas. Quand nous asservissons, contrôlons, écartons, évitons, conspirons, nous ne sommes plus en état d'alliance avec nos origines, en état de trouver le repos, en état de pratiquer cette loi nouvelle. " Malheureux, a dit Jésus, vous les riches"… vous qui êtes riches de contrôle, d'autosuffisance, d'écrasement, du désir de posséder, d'accumuler toutes sortes de sécurité. Que nous sommes lent à comprendre que nous sommes bien malheureux quand nous refusons de "tout quitter" jusqu'à nous vider de tout comme ce commandement nous l'indique. L'amour n'impose pas, ne revendique rien, ne jalouse rien clame dit Paul aux Corinthiens.
Contemplatives, - je prononce ces mots sur le bord du mystère -: aimer c'est quand je n'existe plus, quand je réussis à vivre sans vivre en moi dit Jean de la Croix, à vivre sans vouloir me plaire, m'auto suffire, quand ma vie devient offertoire, mise à la disposition des autres, quand ma vie devient eucharistie, une pâque permanente, alors le mot "aimer" prend tout son sens. Dit autrement, aimer prend tout son sens quand je pratique le "privilège de la pauvreté", de la désappropriation, de l'abandon de nous-mêmes pour entrer dans le mystère de Pâques, c'est quand ma vie n'est que communion avec mes origines, là où n'existait aucune convoitise, aucun désir de suprématie, aucune dépendance. Tout était à tout. Cette dépossession est une brèche bienfaisante dans la course à la possession. " Ca vaut mieux que tous les sacrifices " mais c'est déjà tout un sacrifice que d'agir ainsi.
Ce commandement pour qu'il devienne nouveau exige une mort-séparation. Un amen constant à ouvrir nos portes pour ne rien conserver pour soi et en soi. Cette page nous place dans un mouvement permanent d'arrachement, d'abdication de soi, de vulnérabilité. Elle ouvre sur une "vie nouvelle" en plénitude. Une vie en état de Pâques. Paraphrasant le Cardinal Marty, je dis à mon Église, à mes confrères, à chacun d'entre vous, " aimer n'en parlons pas car nous ne savons pas ce que c'est " . C'est mourir à soi pour renaître autrement. " Comment cela peut-il se faire " demanda Nicodème ? " Tu es maître en Israël et tu n'as pas la connaissance de ces choses " a répondu Jésus. (Jn3,10)
Réalisons ce matin que nos vies débordent d'un besoin de sécurité tellement criant que nous investissons dans toutes sortes de possession. Nous réduisons ainsi progressivement l'avènement de l'arrivée du vide de nous-même, de ce privilège de la pauvreté, seul chemin qui nous place en état d'aimer. Nous avons mission de manifester un monde nouveau au milieu d'un monde "ancien". Notre société avec ses appels à l'encombrement de toutes sortes est ancienne. Elle offre beaucoup de "distractions" qui nous éloignent de ce vide incontournable pour que se réalise en nous ce re-mariage – permis et souhaité celui-là- avec nos origines. Ce commandement est un merveilleux appel à la " dépossession confiante" pour citer Garaudy. N'est-ce pas là la grâce des grâces: se déposséder (de soi, des biens, de tout) avec confiance pour retrouver notre identité originel.
Ma question est simple : qui peut aujourd'hui raconter les bienfaits de cet amour "dépossession confiante" ? Qui peut en exprimer sa suprême beauté ? Qui peut clamer que cet amour quand vécu dans toute sa plénitude couvre une multitude de péchés ?. Qui est donc assez sage pour comprendre ces choses, assez pénétrant pour les saisir ? (1 ière lecture Os 14,10)
A votre contemplation: La Bonne nouvelle ce matin est de découvrir qu'aimer signifie que mon "je" est un autre. Que je vis " non plus moi "(Gal2,20) "sans vivre en moi". Si "aimer est un merveilleux voyage"( Jean-Paul 1 er .) j'ajoute que sa pratique est un voyage périlleux." Écoute Israël " que le Seigneur notre Dieu est l'unique préoccupation de nos vies. L'Unique nécessaire Une eucharistie pour ne pas "fermer nos cœurs mais pour écouter la voix du Seigneur. AMEN
Accueil : Un des grands mystiques du soufisme, El Arabi, : « De l'amour nous sommes issus. Selon l'amour nous sommes faits. C'est vers l'amour que nous tendons. À l'amour nous nous adonnons. »
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