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Année B : samedi de la 32^e semaine du temps ordinaire (litao32s.24) 16 nov.

Lc 18, 1-8 : se tenir debout.   

Je tire une conclusion rarement observée de cette persistance de cette veuve. Son appel au roi, sa prière répétée l’a transformé en humain. Sa prière constante l’a fait dans sa personne « royaume ». Cette scène d’une veuve dérangeant un puissant adorateur de sa personne est d’un étonnement radical. C’est une scène de transformation. Un homme riche, imbu de sa personne, prend soudainement conscience que d’autres existent et qu’il n’a jamais vu.

Cette veuve fait surgir dans la conscience du roi un nouveau droit, celui de l’autre d’exister. Cette prise de conscience n’est pas du tout évidente tant elle s’oppose à la priorité du roi de ne penser qu’à lui. La veuve, sans le savoir, a ouvert cet homme à ce qui est le cœur de l’évangile : voir que l’A(a)autre existe. C’est cela prier. Son sans-gêne a réveillé, sorti ce maître imbu de lui-même, porté à son attention quelqu’un d’autre, sans doute pour la première fois dans sa vie. 

J’imagine que le roi a eu le goût d’assassiner cette veuve. Dans un instant de lucidité, il a mis sa vie à l’envers en se mettant à son service. La veuve a converti un cœur fermé en un cœur ouvert. Elle fut pour ce roi ce Jésus qui a frappé à sa porte, qui lui a fait connaître à travers sa demande répétée, son harcèlement, de changer de vie, de se donner une vie d’ouverture, d’écoute des autres.

Sa situation d’extrême pauvreté l’a rendu porte-voix de Jésus qui choisit toujours des personnes de bas niveau pour le représenter. Sa persistance à frapper à la porte de son cœur a ému, touché ce roi hautain, sans cœur. Il est devenu compatissant, ne serait-ce que pour avoir la paix.

Ce matin, ne portons pas notre regard sur les besoins criants et réels de cette femme. Regardons sa prière qui a fracturé un cœur que l’on croyait hermétiquement inatteignable. Sa demande répétée a ébranlé l’insensibilité de ce roi. Son attitude eut un effet de guérison, de conversion, ne serait-ce que pour un bref instant. Elle a mis à l’envers le cœur du roi.

La beauté de cette scène fait surgir à notre contemplation la puissance des non-puissants. Cette veuve n’a pas perdu courage. Sa foi était grande. Elle s’est tenue debout. Elle ne s’est pas affaissée. Même vivant dans l’extrême dénuement, nous pouvons aider quelqu’un, sauver un proche, empêcher un voisin de sombrer davantage dans leur nuit. La veuve a « sauvé » le roi de son faux moi pour l’ouvrir à son vrai moi, à sa stature d’humain qui s’arrête pour porter secours aux blessés.

Elle est un miroir qui reflète un Jésus debout ne cessant de demander que nous portions attention à son rêve de dignité pour tous, aux migrants, à tous les chercheurs d’une terre d’accueil. Cette veuve lance un cri à ceux qui vivent dans des situations extrêmes : se tenir debout.

C’est debout en écoutant et s’écoutant que les participants au synode ont partagé les questionnements sur une Église ouverte à tous et proche du monde blessé. C’est debout que nous vivons la fin d’un imposant et puissant système religieux. C’est debout, avec un cœur qui voit (Deus caritas # 31), que nous vivons ce vendredi saint de notre Église, que nous traversons le samedi saint et que germe en nous le relèvement d’un avenir au visage différent et plus évangélique.

Me revient en mémoire, une expression souvent entendue : tiens, tant que tu es debout, peux-tu m’apporter… À quelqu’un qui est debout, on demande beaucoup de petits services. Et c’est ça se tenir en mode prière. Jésus comme cette veuve a rendu le plus beau des services : ouvrir des bien-portants à aider les autres. Et c’est ça aussi prier. S’oublier pour aider les autres, rester aux aguets jusqu’à prier les autres à aider leur entourage. Chaine de communion qui ne s’arrêtera jamais. AMEN.