2022-C-Lc 9, 28b-36-samedi de la 18e semaine ORDINAIRE- transfiguration et certitude mystique
Année C : samedi de la 18e semaine ORDINAIRE (litco18s.22)
Lc 9, 28b-36 : certitude mystique (transfiguration)
Un voile se déchire, une voix traverse leur nuit, traverse la nuée. La lumière noire de la connaissance de Jésus des disciples se change en lumière du midi. Les ombres de leur questionnement disparaissent. Ils voient la bonté du Seigneur sur la terre des vivants (Ps 27,13).
Nous pouvons devant cette scène sur la montagne, exprimer ce que nous en comprenons. Cela risque de n’être que pur bavardage pour essayer de convaincre les autres de nos convictions.
Tel ne fut pas l’attitude des disciples-témoins qui comprirent que désormais tout est dit, que tout ce qu’ils ont vécu à ce jour, que tout ce qu’ils auront à vivre, est ramassé dans cet instant. Ils comprirent avec cette certitude mystique de ceux qui savent qu’ils ne savent pas, que Jésus est plus que celui qu’ils côtoient chaque jour. Ils éprouvèrent que tout ce qu’ils en diront risque d’être des paroles insignifiantes tant que ce qui vient de se passer est au-delà des mots, au-delà de la preuve, au-delà de toute certitude rationnelle. Intuitivement, ils comprirent que s’ils comprennent, ce n’est pas le Dieu de la transfiguration.
Le silence imposé par Jésus fait sens tant qu’ils expérimentent être dans l'immense mystère de Dieu et qu’ils ne pourront jamais en parler avec des mots humains. Le silence imposé est leur meilleure prédication. Aucune image, aucun concept, aucune catégorie, aucune parole, rien ne peut traduire cet instant incommunicable.
Jésus fait voler en éclats toute compréhension mentale de qui il est. C’est en élevant nos regards, en nous tenant sur la haute montagne de la foi, en vivant la prière du silence, le recueillement mystique dont parle Francisco de Osuna, que nous entrons, par grâce, plus profondément dans ce mystère innommable qui mérite d’être connu, mais qui demeure inconnaissable dans sa totalité.
Véritable transfiguration que reconnaître que leur ami, Jésus, est l’être même de Dieu ! En un éclair, ils saisissent que leur quotidien sera désormais quelque chose qui ressemble au ciel sur la terre et qui passera toujours par la croix, celle de leur reniement. Ils désirent être avec Jésus pour lui-même et non pour ce qu’il leur donne. Leurs seules préoccupations est d’être avec lui et font tout ce qui est en leur pouvoir pour oublier tout le reste, même leur affaire de pêcheurs. Ils voient d’une certitude mystique que le Jésus qu’ils côtoient vit aussi dans le mystère de Dieu. Ils voient que Jésus est quelqu’un et non quelque chose qui brûle leur cœur.
Le théologien Bonaventure (1217-1274) exprime cela. Si vous voulez savoir comment ces choses se produisent, demandez la grâce et non l'instruction, le désir et non la compréhension, le gémissement de la prière et non la lecture assidue, l'époux et non le maître, Dieu et non l'homme, l'obscurité et non la clarté, non la lumière, mais le feu qui nous enflamme totalement et nous transporte en Dieu.
Jésus offre à ses disciples de se reconnecter avec lui plutôt que de s’arrêter sur ce qu’il fait, sur son œuvre. La transfiguration montre le vrai Jésus, le Jésus intérieur et pas seulement celui qui est « prêché ». Impossible de relire ce passage de Luc sans réfléchir sur notre propre vie.
Nous sommes si déconnectés de ce Jésus qu’au lieu de déchirer le voile nous tissons un mur de connaissance, nous élaborons des dogmes à croire, nous construisons des rituels, nous faisons semblant de le connaître alors qu’en fait nous le rendons méconnaissable tant nous nous éloignons de ce silence intérieur, seul chemin pour transfigurer nos vies.
Quand nous partageons cette scène émouvante, nous ressentons de la tristesse de ne pouvoir la vivre pleinement. Nous vivons pleinement notre incapacité à saisir à quel point Jésus se fait un aimant-amant qui ne nous quitte jamais malgré nos errances. Jésus ouvre pour nous un chemin de contemplation qui sera toujours « personnalisé », « individualisé », jamais identique à un autre.
À votre contemplation : est-ce que celui que nous disons connaître nous transfigure ? AMEN