2021-B-Jn 11, 45-57-samedi 5e semaine CARÊME- montons à Jérusalem
Année B : samedi de la 5e semaine du carême (litbc05s.21)
Jn 11, 45-57 ; Ez 37, 21-28 : si seulement, nous montions à Jérusalem!
Voilà quelqu’un qui n’hésite pas à dépenser sa vie, qui ne bâtit pas sa vie sur le principe de précaution, de préservation de sa réputation, ou qui ne s’isole pas dans un ilot par peur de perdre sa vie. (Cf. Mt 25, 14-30). Voilà quelqu’un qui risque d’aimer envers et contre tout et d’ensemencer la terre de sa présence (Cf. Jn 12, 24). Il refuse de se comporter selon les prescriptions de la loi ou de se lamenter des « malheurs » qui lui tombent dessus, genre : « Cela n’arrive qu’à moi! ». Voilà quelqu’un qui a passé en faisant le bien. Qu’allons-nous faire ? C’est dans votre intérêt que le bien ne se propage pas???.
Jésus préfère tendre la main aux malheureux (Pr 31, 20), à ceux qui affrontent de plus grands « malheurs » que lui. Il voit dans les malheureux et ceux qui sont rejetés par les dirigeants, le visage de son Père et son projet de restaurer en eux leur dignité. On le dit solutogénétique[1]. Les notables le perçoivent plutôt comme un perturbateur de l’ordre social, un dérangeur public. Son geste de renverser les tables dans le temple sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase en le conduisant jusqu’à la mort[2]. À notre regard contemplatif, durant les jours qui viennent, quelqu’un dont le centre de sa vie n’est que de faire le bien.
Jésus ne passe pas son temps à cultiver avec complaisance les complaintes. Se désoler de ses « malheurs » n’ajoute rien à la vie. Contrairement à nous, Jésus évite la tentation de dire «si seulement ». « Si seulement j’avais cet emploi, si seulement j’avais cette maison, si seulement j’avais de l’argent et du succès, si seulement je n’avais pas ce problème, si seulement j’avais de meilleures personnes autour de moi. » Ces « Si seulement » nous empêche de voir ce que nous avons.
Jésus n’a pas enfoui ce qu’il est, le talent reçu (Cf. Mt 25, 14-30). Il ne craint pas de nous dire « salut », simplement parce que risquer de faire le bien a une odeur évangélique. Jésus a tout misé sur faire le bien. Ce fut sa raison de vivre, la raison de sa condamnation. Il nous a sauvés de mal faire en misant sur le bien faire. Pour lui, ne pas bien faire, c’est mal faire. Très fort. Très dérangeant pour qui comprend cela.
Si Pâques était plus qu’un simple souvenir, mais bien la fête actualisée de quelqu’un qui passe en faisant le bien! Si seulement la vie de Jésus, son insoumission pacifique, sa foi en l’avenir, sa bonté heureuse ne restait pas ensevelie sous une pierre froide! Si seulement nous faisions un tout petit pas vers le bien, même en faisant des erreurs, même si notre victoire n’est qu’une minuscule semence, qu’un petit morceau de levure, Jésus ne serait pas mort en vain. Le ressuscité continuerait à vivre en nous, et le bien propulserait la vie à son meilleur. Faire le bien, c’est poursuivre aujourd’hui les miracles de Jésus.
Si seulement Pâques était Pâques! Si seulement Pâques nous faisait entrer dans les douleurs d’un enfantement, d’un travail, d’une naissance à faire le bien! Si seulement Pâques nous désarmait de nous-mêmes, ce serait le commencement d’une éclosion d’une petite flamme pascale, dangereusement pandémique! Ce serait jour de résurrection mondiale.
La soif de Jésus est de nous voir passer en faisant le bien. Qu’allons-nous faire se demandaient les notables et se demandent les puissants investisseurs de ceux qui font le bien et qui travaillent d’arrache-pied à nous sortir de nos enfers quotidiens ? Jésus a soif de nous savoir vivre ensemble tous en frères. Cette soif le conduira à souffrir toutes sortes de douleurs, à subir la perversité des chefs religieux, à mourir pour nous ouvrir à un bonheur fou, celui de nous faire entrer dans sa gloire (cf. Lc 24, 26).
Ézéchiel à prophétisé cela : Je vais prendre les fils d’Israël parmi les nations où ils sont allés. Je les rassemblerai de partout et les ramènerai sur leur terre. J’en ferai une seule nation dans le pays (Éz 37, 21-22). Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre temple est abandonné à vous-mêmes (Lc 13, 33).
La soif de Jésus à faire le bien ressemble à quelqu’un qui manque d’air pour respirer comme l’air manque à quelqu’un qui se noie. Sa soif le rend comparable à une terre aride, altérée, sans eau (Ps 62) qui se tarira seulement quand il inaugurera l’eucharistie sans fin. Jésus a passé sa vie à répéter : Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font. Il est dans sa personne ce qu’il demande à disciples : aimez vos ennemis. Faites du bien. Son amour est si fort qu’il dira au larron qu’aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis (cf. Lc 23,43).
Ne vivons pas cette semaine sainte seulement pour notre propre bien-être spirituel. Vivons-la comme des petits co-rédempteurs. Pâques ne se fera pas sans nous. Sans notre désir de porter cette croix toute prête pour nous[3]. Cela est un travail d’accouchement, de désarmement de soi jamais complété. Montons avec Marie au calvaire pour y contempler la naissance d’une humanité réconciliée. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] Marguerat, Daniel, Vie et destin de Jésus de Nazareth, Éd. Seuil, 2019, p. 119
[2] Pagola, José Antonio, Jésus approche historique, Éd. Cerf, 2019, p. 375