2021-B-Mt 20, 17-28 - mercredi 2e semaine CARÊME -ne perds pas la route
Année B : mercredi de la 2e semaine du carême : 3 MARS
Mt 20, 17-28 ; Jr 18, 18-20 : si tu es en chemin, ne perds pas la route. (Zébédée)
Il est permis de se demander si cette mère ne répondait pas à une «commande» de la part de ses deux fils. Il n’est pas rare d’observer qu’on se sert souvent d’intermédiaire pour intercéder en notre faveur. Cela est fréquent pour obtenir un poste convoité. Les deux disciples ne manquaient pas d’ambition. Leur mère non plus, elle, qui rêvait d’une bonne position pour ses deux fils. Ne passons-nous pas par Marie nous aussi ?
Même s’ils ont entendu Jésus raconter la parabole des derniers qui sont premiers (cf. Mt 20, 1-16), même s’ils voient que Jésus ne revendique aucune place d’honneur, qu’il n’a pas de demeure fixe, ils souhaitent quand même pour eux «être plus égaux que les égaux». Ils ne leur suffisent pas d’être avec Jésus. Ils veulent régner avec lui. Ils désirent une promotion à une haute fonction, siéger à la droite et gauche de Jésus dans la gloire (v.37). Ils ont vite oublié la réponse de Jésus à ses disciples leur demandant qui donc est le plus grand dans le royaume des Cieux (Mt 18 : 1) et la 3e «révélation» de Jésus: nous montons à Jérusalem et le fils de l’homme sera livré aux mains des prêtres.
Portons bien attention à la réponse de Jésus. Il ne leur dit pas qu’ils font fausse route. Il leur ouvre la voie d’une vie pleine en leur peignant une vie où la grandeur n’est pas dans les titres, les postes convoités. C’est en ne laissant personne rester en marge de la vie (Cf. Fratelli # 68), en se faisant bon samaritain qu’ils peuvent espérer s’asseoir à droite ou à gauche dans le royaume. Toute vie qui ne s’appuie pas sur ce prendre soin des autres ne respecte pas l’esprit de Jésus. C’est comme bâtir sur le sable (Cf. Mt 7, 24).
Jésus leur propose de ne pas perdre la route, eux qui sont avec lui sur le chemin. Sans s’en rendre compte, ils se sont endormis dans le sommeil de la médiocrité en ne songeant qu’à vivre dans la tranquillité ; dans le sommeil de l’indifférence aux autres. Ils ont perdu la route d’être de vrais humains qui n’écrasent pas les autres, qui ne se croient pas plus important que les autres, ne les dominent pas. Tout tournait autour de leur petite personne. La grandeur, la notoriété n’est pas dans la place occupée, elle est dans la qualité de relation aux autres, dans une attitude d’abaissement, de service des autres. La seule place d’honneur est de se tenir dans la marginalité comme Jésus. Quiconque court après la grandeur voit la grandeur le fuir. Quiconque fuit la grandeur voir la grandeur courir après lui.
Jésus leur demande d’être des bâtisseurs d’une terre, d’un royaume, d’une société où règne l’égalité ; de lutter contre la haine religieuse qu’alimentent les chefs religieux ; de faire preuve de tolérance, d’humanisme, envers les déviants des lois ; de combattre les frontières entre les réputés purs et impurs, juifs et non-juifs ; de contester les préjugés que les malades, les enfants, les handicapés sont des «possédés» du démon. Voilà la place d’honneur près de lui.
Jésus ne se fâche pas, ne les accuse pas d’avoir l’oreille dure. Vous ne savez pas ce que vous demandez. Il redirige leur demande sur une nouvelle route, la sienne, et non la leur qui les place hors route, celle qui “utilise” leur position d’apôtres pour se promouvoir eux-mêmes, chercher leurs intérêts (cf. Ph 2, 21).
Et la route de Jésus a un visage : être dans leur personne frère universel (cf. Fratelli # 287), des créateurs de fraternité, de justice, de solidarité, de services des autres (cf. Fratelli # 115) ; d’instaurer son projet d’un royaume de justice, de paix tout en précisant que ce projet est pour maintenant et non à rêver dans un monde idyllique.
Pour prendre la route de Jésus, il faut demeurer vigilant pour progressivement, à petit feu, sans s’en rendre compte, vivre étendu sur un «lazy boy». Nous pouvons être en chemin avec Jésus, mais le route de notre cœur peut nous entraîner hors de la celle de Jésus. Aujourd’hui que de fausses routes sont prises par tant de pasteurs, de chrétiens ! Jésus exige de laisser de côté aspirations, envies, désirs de toute puissance, souci de réussir sa vie à tout prix, tentation de se servir plutôt que de prioriser les autres. Bref, Jésus trace une route «attrayante» au parfum d’évangile qui maintient vive sa présence et assure sa proximité à nos côtés.
À ce projet, ils répondent oui. Jésus ajoute : ça ne sera pas facile, vous aurez à boire au même calice que moi, aux mêmes oppositions, aux mêmes condamnations. Jésus a payé de sa vie son combat pour l’établissement de son royaume pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance (Jn 10, 10). Quelqu’un a écrit que la croix est le portrait humain de l’amour de Dieu[1].
Dans une homélie prononcée durant la première pandémie en mai dernier, le pape se demande quel est l’obstacle premier pour se voir assis à sa droite ou à sa gauche ? Réponse : l’envie des honneurs, du pouvoir et de l’argent. Il rejoint ce qu’écrit François d’Assise dans l’une de ses admonitions (VI, 3) : c’est une grande honte pour nous serviteurs de Dieu […] de désirer avoir gloire et honneur.
Que ce temps du carême nous redirige sur la route du Seigneur, nous qui sommes sur le chemin avec lui. AMEN.
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