2019-C-Lc 14, 25-33 - mercredi 31e semaine ordinaire-s'asseoir avant de bâtir
Année C : mercredi de la 31e semaine ordinaire (litco31me.19)
Lc 14, 25-33 ; Rm 13, 8-10 : s’asseoir avant de bâtir
Qu’est-ce que la prudence ? Pour plusieurs, la prudence est une attitude de gens incapables de se décider. Pourtant la prudence est autre chose que l’indécision, autre chose qu’une sorte de porte douanière qui bloque le passage à tout. Il ne faut pas associer la prudence à la peur d’agir. Une décision impulsive ou réfléchie.
Paul oppose la prudence à la timidité. Dans la parabole, Luc nous présente des guerriers plus paniqués que prudents devant l’adversaire plus important qu’eux et un entrepreneur inquiet de faire faillite et de perdre sa réputation de bon administrateur. Il ajoute, pour clarifier sa pensée, que la prudence n’est pas la peur.
Dans les deux exemples, Luc fait ressortir la peur de l’entrepreneur de perdre sa réputation de bon gestionnaire et aussi du roi de se voir accusé de manquer de clairvoyance. Les deux brûlaient de préserver leur acquis. Ils étaient incapables de sortir de leur environnement sécuritaire. Leur insécurité réduisait leur enthousiasme.
Il existe bien une prudence paralysante qui refroidit tout enthousiasme et conduit à l’inertie. Elle rejette toute nouvelle initiative et s’identifie à la peur d’agir. Il existe une prudence audacieuse, celle de ne pas répéter indéfiniment ce qui se fait, simplement parce qu’on n’a jamais fait ça avant.
En ouvrant le synode pour l’Amazonie en octobre dernier, le pape François invitait à discerner tous les contours de la situation, à s’ouvrir à toutes les avenues avec, précise-t-il, une prudence audacieuse qui sous l’Esprit de Jésus allume un grand feu […]; [cette prudence] donne vie à un feu[1] qui nous brûle. Il écrivait aussi cela dans son Exhortation sur la sainteté (no 135) : Dieu est toujours une nouveauté, qui nous pousse à partir sans relâche et à nous déplacer pour aller au-delà de ce qui est connu, vers les périphéries et les frontières.
Le devoir de la prudence ne doit pas être confondu avec la tentation de tout contrôler ou celle de ne rien entreprendre même si l’échec est envisagé. Autant l’entrepreneur que le roi guerrier se refusaient de perdre. La prudence évangélique n’évacue pas l’échec. Elle n’est pas à comprendre comme une invitation à ne rien faire, mais à s’en remettre avec confiance au Seigneur (Ps 1).
La mission ne s’évalue pas en matière de rendement ou d’efficacité. Elle suppose une action prudente que le pape François traduit par le mot «discernement». Jésus envoie semer une bonne nouvelle sans jamais s'interroger sur son succès. Au retour des disciples qui rapportaient tout ce qu’ils avaient fait et enseigné (Mc 6,31), Jésus ne semblait pas écouter leur succès; il les appelle à lever le pied de l’accélérateur, à se retirer dans un endroit désert pour rendre grâce pour tout ce que le Père a fait en eux.
Paul disait tantôt aux Romains que l’important n’est pas de viser l’efficacité ou le succès, mais bien de manifester sur la route l’Esprit de Dieu que nous avons reçu. La plénitude de la prudence se réalise quand nous rayonnons de paix, de justice, d’amour, que nous menons une vie selon l’Esprit que Dieu a déposé dans nos cœurs. La charité ne fait pas de tort au prochain.
À votre contemplation : avons-nous la prudence de ne pas imposer quelque chose de nouveau, mais de quitter quelque chose de vieux[2]. Le pape François prononçait ces mots à des envoyés œuvrant pour Caritas internationalis. Pour le pape, le programme de vie des envoyés n’est pas d’imposer quelque chose de nouveau, mais de manifester la prudence audacieuse de Jésus. Et cette prudence s’exerce sur les parvis des temples, c’est-à-dire sur les chemins et en étant toujours en chemin. AMEN.
Autre réflexion sur ce passage de Luc :