2019-C-Lc 13, 22-30 -mercredi 30e semaine ordinaire - qui peut être sauvé ?
Année C : mercredi de la 30e semaine ordinaire (Litco30me.19)
Lc 13, 22-30 ; Rm 8, 26-30 : qui peut être sauvé
L’évangile vient de nous confronter avec une question que nous débattons peu entre nous ; une question qui soulève beaucoup d'interrogations aussi. Quel est ce salut annoncé par Jésus? Est-ce seulement un petit nombre qui sera sauvé (Lc 13, 23)? Qu’adviendra-t-il des autres ? Et puis qui peut être sauvé (cf. Lc 18, 26).
Nous taisons ces questions pour ne pas avoir peur; mais c’est oublier que ce n’est pas une attitude chrétienne que d’avoir peur de Dieu. Joseph Moingt, l’auteur de l’Esprit du christianisme, termine son livre en affirmant que Jésus n’a jamais fait de discours sur le salut. Il l’a montré dans sa manière de vivre. Le Royaume dont il a tellement parlé, plus de 57 fois dans l’Évangile, et je cite E. Schillebeeckx, c’est un nombre d’hommes et de femmes sauvés qui vivent ensemble sous l’empire de la paix et en absence de toute relation maître-esclave. Cette manière de vivre, le royaume dont parle Jésus, annonce que le salut est arrivé parmi nous, en nous (cf. Lc 17, 21), consiste à propager une culture de paix. Cela exige l’amour de l’harmonie, du respect de tout le monde, incluant nos opposants.
La manière de vivre de Jésus a tellement fasciné les douze apôtres appelés par Jésus (cf. Lc 6, 13), sans oublier les soixante-douze envoyés deux par deux (cf. Lc 10,1) et cette nué des témoins (He 12,1) de gens simples, sans mandat, qui ont gardé en mémoire la façon de vivre de Jésus, qu’ils se sont mis à promouvoir sa façon de vivre. Jésus nous apprend à guérir de nos modes belliqueux, à vivre en humain fraternel, en état de service. Vivre de cet esprit du christianisme, c’est voir arriver chez nous, en nous le jour du salut.
Jésus n’a pas fait de beau discours sur le salut, sur qui sera sauvé. Il nous montre un chemin en vivant proche de tout le monde, en bâtissant des alliances de paix, de respect, de fraternité sans égards au comportement de chacun. Le salut est dans la nouveauté de ce comportement inauguré par Jésus et latent dans les profondeurs de chacun d’entre nous. Quel humain ne désire pas cet environnement tellement salutaire! Quel humain ne désire pas voir expulser la haine dans son cœur et désirer harmonie et réconciliation (cf. Ep 2, 14-16)! En ce sens, ce comportement de Jésus est la victoire sur une vie en état de mort, de guerre entre nous. C’est ça le salut apporté par Jésus.
La porte est étroite quand nous ne vivons pas de cet esprit du christianisme. Et Luc précise qu’on peut s’asseoir tous les jours à la table eucharistique sans vivre de l’esprit de Jésus. Nous avons mangé et bu en ta présence […] et la réponse est cinglante: je ne sais pas d’où vous êtes. C’est un leurre de songer que participer à l’eucharistie nous rend capables de passer par cette porte étroite. On peut se rendre à l’église, on peut prier, mais vivre indifférent comme le lévite et le prêtre (cf. Lc 10, 25-37) pour celui qui est tombé sur le bord de la route. Cette indifférence est mauvaise parce qu'elle cache une forme de culture de la mondanité spirituelle. Elle est bonne quand nous refusons d’être attirés par le mirage de la publicité[1].
La porte largement ouverte de Jésus devient étroite en nous quand nous sommes contaminés par la maladie du consumérisme, quand nous voulons Dieu et le monde, suivre Jésus sans renoncer à rien des choses d’en bas, à unifier vie de foi et mondanité spirituelle, vie de l’Évangile et les logiques du pouvoir et du succès.
La porte large en miséricorde de Jésus devient le trou d’une aiguille (Mt 19, 23) si notre vie se passe à fermer hermétiquement notre porte aux autres. Il faut guérir de cette mode égocentrique et choisir d’être écocentrique. La porte étroite est celle de nos failles qui nous font très mal mais que Dieu utilise pour entrer en nous et nous prodiguer sa miséricorde.
Elle est large quand nous vivons simplement pour que les pauvres vivent mieux. Elle est large quand nous ne mettons pas de condition aux services des autres, quand nous nous dépouillons de la tentation de la mondanité : attitude contraire à l’esprit des béatitudes. Que l’esprit de Dieu vienne au secours de notre faiblesse et que son intercession corresponde aux vues de Dieu en nous (Rm 8, 26-27). AMEN.