2019-C-Lc 11, 42-46 -mercredi 28e semaine ordinaire- contempler sans apparat
Année C : mercredi de la 28e semaine ordinaire (Litco28me.19)
Lc 11, 42-46 ; Rm 2, 1-11 : contempler l’autre sans apparat
Il y a en chacun de nous, d’une façon plus ou moins visible, un désir continuel de nous supplanter les uns sur les autres. Il nous est plus spontané d’instruire, de dicter une conduite que de se laisser instruire. Pas facile de vivre nos vies sans ajouts, sans apparats. Il n'est pas facile de vivre dans un autre monde, un autre environnement que celui que nous propose la société actuelle. Le biographe de François d’Assise a écrit qu’il paraissait l’homme d’un autre monde (1 Cel 36). Luc lance un appel à vivre dans un autre monde.
Il me semble que les évangélistes n’ont pas rendu justice aux pharisiens en disant qu’ils recherchaient tous la vaine gloire. Il y avait aussi parmi eux des gens vaniteux, hypocrites, à l’esprit étroit, construisant des murs au lieu de bâtir des ponts, pour reprendre une formule du pape François; mais dans quel mouvement, dans quelle église n’y en a-t-il pas ? Il y avait aussi de bons pharisiens, des chercheurs d’un sens à la vie et de Dieu comme Nicodème. Les pharisiens que Jésus critique ont mis le service de soi bien avant le service de l’autre. Mais n’est-ce pas là ce qui guette beaucoup d’entre nous ?
Dans une formule humoristique, le pape ouvrant le synode de l’Amazonie a fait remarquer que l’attitude chrétienne fait la promotion de l’égalité des personnes, des peuples : quelle différence y’a-t-il entre porter des plumes sur la tête et la barrette qu’utilisent certains responsables de nos dicastères ? Il ajoute : il faut arriver à une contemplation de l’autre sans apparat.
Jésus, nous pourrions l’exprimer ainsi, préfère ne pas faire semblant de rechercher une vie égalitaire, toute simple. Il reproche aux chefs religieux d’effacer de leur mémoire que la loi de Moïse établit comme chef religieux des hommes sujets à faiblesse (He 7, 28). Jésus fait la promotion d’une vie humble, sans apparat. Ne t'imagine pas, écrit saint Bernard, avoir accompli quelque progrès si tu te crois encore supérieur à ton prochain ; et qui ajoute qu’on ne peut pas monter sans commencer par descendre.
Cette manière a tellement fasciné François d’Assise qu’il a tout quitté, se mettant à nu devant l’évêque. Cette manière brille dans le style François, l’évêque de Rome, qui soulève admiration et émerveillement même et davantage chez les non-croyants. Jésus fait la promotion d’être simplement humain, de ne pas se prendre pour ce qu’on n’est pas ni de se penser supérieur. Il propose un chemin de service comme prototype de l’humain et non l’attitude de prosélytisme qu’il voit chez ceux qui siègent sur la chaire de Moïse (cf. Mt 23, 2).
Jésus parle de l’attitude des chefs religieux comme d’un malheur. Quel malheur pour vous de construire des murs au lieu de bâtir des ponts, pour reprendre l’expression du pape François. Preuve que Jésus vise juste, ses remarques choquent et attirent sur lui la mauvaise humeur des pharisiens et des scribes, gardiens de la loi. Maître, c’est nous aussi que tu insultes. La vérité choque, dit un proverbe.
Jésus dit ouvertement aux docteurs de la loi qu’ils éloignent de la pratique de la loi parce que c’est la vie qui parle. Jésus, si grand fût-il, n’a pas fait la promotion de son projet de bonne nouvelle en utilisant l’aura des chaires universitaires. Il a simplement pris le chemin de tout le monde, celui d’une vie simple qu’il a vécu jusqu’à la perfection, sans revendiquer d’être sur un podium. L’annonce passe par la vie.
Et la vie est faite de failles et de réussites. À vouloir trop pratiquer la loi avec une perfection sans faille, on devient idolâtre. Le paradoxe est que les «purs» au regard de la loi détestaient Jésus alors que les moins purs le recherchaient. Ils n’hésitaient pas à utiliser toutes sortes de subterfuges, d’habilités comme le gérant malhonnête (cf. Lc 16, 1-8) pour la contourner.
Paul observe la même réalité : et toi, l’homme qui juge ceux qui font de telles choses et les fais toi-même. À force d’agir ainsi, tu accumules de la colère contre toi. Paul décrit une lame à deux tranchants : on ostracise tellement les autres qu’on oublie d’utiliser le tranchant pour soi. Dieu n’ostracise personne. Il n’y a pas d’acception de personnes auprès de Dieu (v. 11). Dieu ne favorise personne plus qu’un autre. Il ne s’arrête pas à l’allure extérieure. Même le corrompu peut devenir meilleur. N’arrachez pas l’ivraie.
À votre contemplation: la dictature de l’apparence est partout (Jacques Attali). Jésus invite à prendre un autre chemin que celui de l’exhibitionnisme. Il préfère la transparence chrétienne. AMEN.