2019-C-Luc 11, 27-28 -samedi 27e semaine ordinaire- magnificat d'une femme
Année C : samedi de la 27e semaine ordinaire (litco27s.19)
Luc 11, 27-28 : le magnificat d’une femme anonyme.
Mon premier regard se porte sur cette femme qui éleva la voix au milieu de la foule. Elle vient de chanter son Magnificat. Marie l’avait chanté après avoir été témoin des merveilles que Dieu faisait en sa personne. Cette femme chante sa joie d’entendre les merveilles que Jésus réveille en elle. Elle se sent touchée au plus profond d’elle-même. Elle s’émerveille d’être créature nouvelle et crie de toutes ses forces : heureuse celle qui t’a porté.
À l’écoute de Jésus, cette femme, perdue dans la foule, anonyme, sans prestige, sans renommée, est déconcertée par ce qu’elle entendait. Elle n’a pas gardé pour elle ce qu’elle vivait. Elle a révélé au grand jour sa vie intérieure. Luc ne dit pas comment cette femme écoutait, méditait, goûtait les paroles de Jésus. Nous pouvons seulement nous en faire une idée dans son Magnificat qui clame heureux ceux qui écoutent Jésus.
Sa voix, sa petite voix, devrais-je dire, au milieu de la foule, dit son émerveillement, sa joie, son action de grâce pour l’impact des paroles de Jésus en elle. Son cri atteste ce qu’elle a laissé résonner en elle. Il chante sa joie d’avoir recueilli en elle des paroles de Dieu.
Dans son cœur de minores, les paroles de Jésus trouvent leur justes places. Elles font sens. Elle pressent que Jésus dégage quelque chose qui rehausse sa vie, quelque chose qui la ressuscite. Elle ne comprend pas tout ce que Jésus dit, mais ce qu’il dit fait des merveilles en elle. Tellement heureuse d’entendre Jésus, tellement heureuse d’être au milieu de la foule en ce moment précis de sa vie, tellement heureuse de ruminer longuement ce que Jésus dit, qu’elle vit cet instant d’être là, anonyme dans la foule, comme un moment de bonheur inestimable.
Elle n’existait plus pour elle-même. Sans craindre de se savoir la risée des autres, elle a crié sa joie. Elle ne l’a pas retenu non plus de peur d’être rabrouée, ridiculisée. Quand la parole de Dieu grandit en nous, quand elle nous donne de la dignité, le désintérêt pour soi-même augmente et l’on entonne à notre tour notre magnificat.
Mon second regard porte sur Jésus. Comment réagit-il ? Plutôt que de s’émerveiller du regard qu’elle portait sur lui, plutôt que de s’enorgueillir de bien parler et de se réjouir d’attirer l’attention sur sa personne, Jésus ne regarde pas de haut cette femme, il en fait plutôt un prototype de tout évangélisateur. Sa réaction trace le modèle de l’évangélisateur qui est celui dont l’émerveillement défonce toutes les scènes de désolation actuelle.
Plus étonnant encore, Jésus observe que ce modèle existe chez ceux dont on s’y attend le moins. Perdue dans la foule, cette femme devient l’occasion pour Jésus de louer ceux et celles qui se sentent rejoints au plus profond d’eux-mêmes et qui l’expriment sans prosélytisme.
Jésus a entendu toute la profondeur du cri de cette femme et à son tour, il lui fait entendre son magnificat : heureux ceux qui écoutent. La réaction de Jésus n’en est pas une pour faire plaisir à cette femme. Elle n’est pas une réaction de courtoisie, de circonstance. Jésus a fait du bien de cette femme. Il a transformé son cri pourtant dérangeant à première vue en une parole évangélisatrice.
Qu’il est triste d’observer avec quelle facilité, aujourd’hui, on fait le contraire : on dénigre, on ridiculise, on accorde peu d’intérêt à ce que nous entendons. Pris pas la frénésie de désolation, on déverse des torrents de déception sur tout et sur tous. Pour évangéliser, il faut commencer par louanger ce que nous entendons, le non-dit de ce que nous entendons et non les complaintes ou les lamentations sur ce que nous voyons. Jésus déclare envoyés en son nom ceux et celles qui s’émerveillent d’entendre les magnificat du simple peuple de croyants.
Mon troisième regard est une question en ce mois missionnaire : le magnificat de cette femme, l’entendons-nous aujourd’hui ? Il est le point de commencement de toute évangélisation. Devenons-nous à notre tour magnificat pour ce que nous entendons ? C’est le chemin que Jésus trace pour tous les porteurs de sa bonne nouvelle.
Le baptême reçu nous consacre et nous mandate à réveiller le monde par notre magnificat pour les merveilles que, recevant l’Esprit de Dieu, des gens simples et de petites voix font résonner à nos oreilles. AMEN.