2019-C- Lc 9, 1-6 -mercredi 25e semaine ordinaire- une grand-mère à préserver
A Année C : mercredi de la 25e semaine ordinaire (litco25me.19)
Lc 9, 1-6 : notre terre, une grand-mère à préserver
La sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie, mais tout le contraire : car, en réalité, ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu’ils n’ont pas […] Ils ont ainsi moins de besoins insatisfaits et sont moins fatigués et moins tourmentés.
Ces mots sont ceux du Pape François, rédigés en 2015 dans sa lettre Laudatio si. N’emportez rien. Cet appel n’est pas à comprendre comme une recherche du minimalisme, comme un appauvrissement. C’est paradoxalement une recherche pour avoir plus. Plus de vie, plus de respect pour la maison commune, plus de sobriété, plus de sérénité.
Cet évangile a lancé François sur les routes d’Assise. Il continue aujourd’hui de lancer un grand mouvement planétaire de sauvegarde de la création. Nous sommes des milliers à acheter une panoplie de produits, pratiquement inutiles qui encombrent les dépotoirs de tonnes de débris. Nous nous créons des besoins dont nous n’avons pas besoin.
N’emportez rien. C’est le chemin le moins fréquenté. Il invite à regarder sa vie autrement. L’extraordinaire n’attire qu’un instant, la simplicité nous retient plus longtemps parce qu’en elle réside l’essentiel (Gary Winogrand). Si nous prenions la résolution de ne pas encourager les compagnies exploitants les terres des indigènes, leurs forêts, nous poserions des gestes dans la ligne de Laudatio si.
N’importez rien parce que notre richesse comme société occidentale appauvrit d’autres sociétés. Nous ne réalisons pas ou ne prenons pas assez conscience que la racine de notre richesse plonge dans la misère le tiers-monde (Dom Helder Camara).
N’emportez rien. C’est prendre soin de la création en arrêtant le gaspillage, la surconsommation. C’est respecter l’environnement. Aujourd’hui, nous vivons dans une culture d’épuisement des sols, d’avidité. Cet appel retentit comme un besoin de nous greffer à autre chose que le «toujours plus». Toute vie greffée sur la richesse favorise la broussaille de l’ivraie que l’ennemi, dénommé la publicité, sait semer en abondance en nous. Toute vie greffée sur cette demande-parole de Jésus fait circuler dans ses veines une sève qui engendre de beaux fruits de générosité, de simplicité, de désencombrement. Elle fait redécouvrir que notre nature première, notre beauté première, est d’être image et ressemblance du créateur.
L’auteur du livre d’Esdras parle de la confusion et de la honte de ceux qui sont submergés par des fautes sans nombres et qui nous amoncellent jusqu’au ciel. Comprenons ceci: nous sommes envahis par des biens qui nous étouffent et qui nous greffent aux réalités d’en bas. Mais, dit l’auteur, Dieu a pitié et il n’abandonne pas ceux qui sont asservis… il nous a rendu la vie pour que nous puissions restaurer [en nous] la maison de Dieu. Pour que nous puissions nous greffer sur l’essentiel : n’emportez rien.
Ce n’est pas que récemment que l’appel à la modération retentit. Déjà, soulignant le quatre-vingtième anniversaire de Rerum novarum, de Léon XIII, le pape Paul VI écrivait, et c’était prophétique, qu’une exploitation inconsidérée de la nature […] risque de la détruire et d’être, à son tour, la victime de cette dégradation. Et il ajoutait qu’ainsi non seulement l’environnement matériel devient une menace permanente: pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu, mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable: problème social d’envergure qui regarde la famille humaine tout entière.
À votre contemplation : savons-nous signer nos vies de cette simple simplicité (Ruysbroeck) qui comprend tout l’évangile ? Il y a un proverbe qui dit : l’homme propose et Dieu dispose. La réalité est plutôt le contraire. Dieu propose un chemin, n’emportez rien et nous en disposerons comme bon nous semble. Sa parole-demande est ligotée par nos réponses parce qu'il s’agit de nous dépouiller de la surconsommation pour nous vêtir de l’essentiel. L’essentiel (et le pape François vient de redire cela autrement à l’île Maurice (9 septembre 2019) est que le désir d’avoir toujours plus devient une crise qui affecte l’environnement. Les deux sont intrinsèquement liés ou plutôt sont une seule et même crise complexe. Il est aussi urgent de sauver la maison commune en même temps que de répondre à l’appel évangélique d’une simple simplicité. AMEN.
Autre réflexion sur ce passage de Luc :