2019-C-Lc 18, 9-14 -samedi 3e semaine carême-prière bavardage
Année C : samedi de la 3e semaine du carême (litcc03s.19)
Lc 18, 9-14 : le pharisien et le publicain attirent notre attention
Au siècle dernier, Padre Pio soulignait que c’est un coeur à coeur avec lui qui incite Dieu à nous écouter. Nos deux priants ne prennent pas ce chemin de la prière. Ils sont plutôt contaminés par leur relation avec eux-mêmes. L’un se trouve beau. Il fait l’éloge ce qu’il voit dans le miroir. Il se contemple. L’autre se trouve misé-rable, un peu découragé par la liste de ses laideurs. Il ne percevait pas la beauté de son hôte intérieur.
Nos deux priants oublient que la prière ne consiste pas à dresser une liste de ses vertus ou de ses laideurs. Prier, et vous l’expérimentez ici, c’est faire mémoire de l’histoire de son regard bienveillant sur vous. Sur nous. Nos deux priants ne percevaient pas ce regard, même si spontanément l’attitude du publicain nous attire davantage. Ils ne s’appuyaient que sur eux.
En entrant en prière, deux dangers existent : soit être présomptueux, soit être pusillanime. Le présomptueux pharisien ne comptait que sur lui-même. Le pusillanime publicain déplorait qu'il ne valût rien aux yeux de Dieu. L’un avait peu de foi en Dieu et luttait pour devenir toujours plus parfait. Le pape François écrit dans sa lettre sur la sainteté (no 57): Il y a encore des chrétiens qui s’emploient à suivre [ce] chemin […] de la justification par leurs propres forces […], ce qui se traduit par une autosatisfaction égocentrique.
L’autre, le publicain, ne cessait d’être paralysé par son regard «misérable» sur lui, mais ignorait qu’il était l’image préférée de Dieu. Il aurait pu mériter la remarque de Jésus à Marthe: tu t’inquiètes pour peu de choses. Il oubliait qu’il avait chanté ce psaume 138 : Seigneur, tu me sondes et me connais; que je me lève ou m’assoie, tu le sais, tu perces de loin mes pensées; que je marche ou me couche, tu le sens, mes chemins te sont tous fami-liers. C’est toi qui m’as formé les reins, qui m’as tissé au ventre de ma mère; je te rends grâce pour tant de pro-diges, merveille que je suis.
Le point commun entre ces deux hommes ? Nos deux priants sont dans le temple, maison de prière, mais ni l’un ni l’autre ne portaient attention à Dieu. Ils ne sont pas en mode relation avec Dieu. Les deux sont inquiets, agités, n’éprouvent pas une grande paix intérieure.
La prière vraie, la prière mure, dit le pape François, commence, non par l’exaltation de soi ou par sa diminution, mais par l’attention à porter à Dieu. Prier, c’est vibrer à une présence. C’est porter attention à cette présence plutôt qu’à soi-même. C’est laisser Dieu venir nous apprécier tel que nous sommes. Nos deux priants ne s’acceptent pas comme ils sont. Ils ne voient pas Dieu qui les apprécie tels qu’ils sont. Ils voient Dieu à travers leurs lunettes.
Le mot est lâché : prier, c’est se laisser apprécier par Dieu. Cela n'est pas évident quand nous portons de vives cicatrices, quand nous nous déprécions, que nous avons peu confiance en nous. Ce n'est pas aussi évident quand notre vie est remplie d’échecs, que nous sommes défaitistes. Comment quelqu’un peut-il nous apprécier, poser sur nous un regard émerveillé quand notre regard sur nous est défaitiste, pessimiste, déprimé ?
Je le redis, prier, c’est se mettre à nu devant Dieu. C’est accepter de ne pas être parfait; une attitude du phari-sien. C’est refuser de se voir tout noir, seulement noir; une attitude du publicain. Prier, c’est simplement être honnête en présence de Dieu. Nous ne sommes pas parfaits. Nous ne sommes pas seulement des imparfaits, nous sommes aussi des imparfaits.
Rappelons que nous avons été choisis pour nous tenir en sa présence, non pour bavarder avec Jésus, non pour penser à lui souvent, non pour faire quelque chose pour Dieu, non pour l’informer de nos besoins, mais seule-ment pour être avec lui, pour être prêts à l’écouter sans dire un seul mot. C’est de nous oublier entièrement. Décidons de prier, d’être simplement ce que nous sommes sans activité mentale, sans discourir, seulement de nous laisser contempler par Dieu. Que Dieu nous garde de la prière bavardage (Augustin, Lettre 121 à Proba). AMEN.