2019-C-Mc 6, 1-6 -mercredi 4e semaine ordinaire-une parole à désengluer
Année C : mercredi de la 4e semaine ordinaire (litco05me.19)
Mc 6, 1-6 ; He 12, 4-7- 11-15: une parole à désengluer
L’arrivée de l’heure de Dieu, c’est le titre que nous pourrions donner à l’évangile que nous venons d’entendre. Pour éviter toute fausse interprétation de cette arrivée, Jésus reprend des paroles connues des auditeurs du temple, celles du prophète Isaïe. Il confirme que c'est l’heure d’une parole qui relève, remet en marche et redonne la lumière. Les yeux fixés sur lui, les auditeurs du sabbat entendent une déclaration stupéfiante : je suis l’arrivée de cette parole. Voilà la bonne nouvelle qui retentit encore aujourd’hui !
Luc ouvre son évangile sur cette scène extraordinaire, où nous voyons Jésus prendre le livre qui devient, à travers lui, Parole vivante de Dieu. Il ne s’agit plus d’une lettre morte, couchée sur du papier. Il ne s’agit plus de se contenter de lire des textes, fussent-ils des textes sacrés. Voici l’heure de l’arrivée d’une Parole. En ouvrant son évangile, Luc exprime avec une aveuglante clarté que Jésus, Parole vivante, est au coeur de la foi, de la vie de l’Église, de la vie de chacune de nos communautés, de chacun d’entre nous. Certains auditeurs réagissent: qui es-tu, toi, pour nous parler ainsi ? Pour qui te prends-tu, toi, fils de Joseph, le charpentier ? Sa prise de parole ne passe pas parce que l’origine de Jésus est connue. Elle ne passe pas parce que sa famille ne fait pas partie des notables de la société et que Jésus est seulement un simple laïc sans formation reconnue. Au temps de Jésus, on était sans pitié pour les gens d’origine modeste, sans éducation. Dans sa première prise de parole, Jésus a choqué les grands de ce monde. Le reste de l’évangile de Luc l’atteste. Jésus, comme Parole vivante, ne passe pas. Aujourd’hui, sa parole passe-t-elle plus qu’hier ?
Chez lui, dans la synagogue de son enfance, Jésus a risqué un appel : l’heure de Dieu, c’est l’heure d’une Parole déstabilisante. Jésus vient d’où on ne l’attendait pas. D’où il ne devait pas venir. Jésus vient de là où personne ne l’attend. De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon (Jn 1, 46). Il vient d’une famille modeste : n’est-il pas le fils du charpentier (Mc 6, 3). Tel est le choix de Dieu et ce choix a beaucoup à nous dire aujourd’hui. Et si, aujourd’hui, notre parole sur Dieu, la parole de Dieu sortait de là où personne ne l’attendait, des plus petits, des sans voix, des gens qu'on méprise ?
Marc nous dit que celui à qui on donnait déjà des titres glorieux, enracinés dans l’Ancien Testament, des titres de roi, prêtre, prophète, vient de l’obscure Galilée des nations. C’est choquant d’entendre cela. Aujourd’hui, sommes-nous des gens étonnés d’entendre que Jésus n’est pas venu imposer sa religion, sa loi ? Jésus nous offre, comme dans la synagogue, une parole, une bonne nouvelle, non pas une bonne réponse.
Les évangélistes, affirment Joseph Moingt et d’autres grands penseurs, nous montrent un Jésus dont la priorité n'est pas de sauvegarder la religion de son temps. Dans sa première homélie donnée dans le temple, Jésus propose, pour rencontrer Dieu, de se tenir aux côtés des hommes et des femmes qui ont faim et soif de justice, de paix et de liberté dans le monde. Pas étonnant que cette première homélie ne passe pas, parce que le Messie attendu a un comportement inattendu.
Devant ce Jésus rabroué par les auditeurs de la synagogue, devant ce Jésus sans notoriété, d’allure toute simple, l’appel à la vigilance de l’auteur de l’épitre aux hébreux (première lecture) prend toute son importance. Veillez à ce que personne ne se soustraie à la grâce de Dieu (He 12,15). L’auteur ajoute : qu’il ne pousse chez vous aucune plante aux fruits amers, cela causerait du trouble et beaucoup seraient infectés (He 12, 15). L’appel de l’auteur de l’épitre retentit très fort aujourd’hui quand il écrit : veille à ce qu’il n’y ait pas de débauche ou de profanateur […] qui pour un seul plat vendit un droit d’aînesse (He 12, 16). Ça veut dire ceci : veille à ne pas masquer l’identité de Jésus en le déshabillant de ses origines modestes.
Jésus continue à nous dire aujourd’hui ses origines quand il choisit un Juan Diego, un indien sans culture à Guadeloupe ; une Bernadette Soubirous, à Lourdes, sans classe sociale reconnue; des jeunes bergers à Fatima. C’est à se demander si, aujourd’hui, Jésus choisirait son Église avec sa tendance à prioriser l’institution. AMEN.