2018-B-Mc 6, 30-34 - dimanche 16e semaine ordinaire- l'écart, lieu redoutable
Année B : dimanche de la 16e semaine ordinaire (litbo16d.16)
Mc 6, 30-34 ; Ep 2, 13-18 : l’écart, lieu réconfortant et redoutable
Cette page est réconfortante. Jésus veut éviter l’épuisement professionnel, le découragement à ses disciples qui reviennent après des journées passées à le faire connaître sans trop de succès. Venez à l’écart. Jésus invite ses disciples à l’écart, non pas pour entendre le récit de leurs performances ou de leurs déceptions, non pour entendre la manière dont ils se sont pris pour le faire connaître, ni à qui ils se sont adressés. Jésus ne pose jamais des questions comme : qu’est-ce que tu as fait pour moi ? Comment t’es-tu pris ? Quel salaire as-tu reçu ? Es-tu satisfait de toi ?
Jésus n’est pas intéressé de savoir comment ses disciples s’y sont pris pour le faire connaître. Il ne veut pas savoir comment ils ont fait pour faire entrer sa parole dans les cœurs des enfants. Nous préciserions aujourd’hui dans le cœur d’enfants rivés sur leur console de jeux vidéo à longueur de journée. Il ne les amène pas à l’écart pour évaluer leur travail sur la route ou pour savoir s’ils ont souvent pensé à lui. Non, Jésus veut seulement qu’ils prennent le temps de goûter la joie d’être en sa présence, celle d’être un envoyé. Le grand théologien, pilier du concile Vatican II, Karl Rahner, disait que chaque baptisé est un pasteur ordonné. Ce qui est crucial pour Jésus, ce n’est pas d’entendre ses disciples évaluer leur travail. Il veut les voir savourer sa présence.
Il y a une énorme différence entre penser à quelqu’un et être avec lui. Des personnes âgées me disent qu’elles passent leurs journées à penser à leurs enfants, à s’en inquiéter, à s’ennuyer d’eux, à attendre un appel. Mais quand elles sont avec eux, elles ne pensent plus à eux, ne s’inquiètent plus de ce qu’ils font et elles sont bien avec eux. Énorme différence. Demandez-le aux petits frères. Mais peut-être vous répondront-ils qu’ils pensent, eux aussi, plus souvent à Dieu plutôt que d’être avec lui. Pourtant, la clé de la fécondité de tout évangélisateur, des petits frères de Jésus, se trouve dans la manière dont nous nous reposons[1] en lui.
Cette page est aussi redoutable. À l’écart, nous découvrons que nous pensons plus à Jésus qu'à désirer être avec lui, et qu'à vivre comme lui. Dans un environnement sans bruit, le risque est bien réel d’en sortir dérangés alors que nous réalisons que souvent nous travaillons pour notre propre gloriole plutôt que pour que son nom soit glorifié. Dans l’un de ses messages aux membres de la Curie en 2014, et ce fut un moment redoutable, le pape présenta une série de maladies des envoyés en mission : celle de se sentir irremplaçable, de l’Alzheimer spirituel ou de ne chercher à se nourrir d’une authentique relation à Dieu, celle de la schizophrénie existentielle ou d’appartenir au Christ et vivre de la mondanité, celle d’exhibitionnisme ou de se faire voir avec une couleur plutôt qu’un autre, avec un titre plutôt que sans titre. Ces maladies sont celles de tout envoyé.
Il est redoutable de réaliser que nous ne sommes pas transparents de Jésus. Il est redoutable de réaliser que nous n’avons pas reçu une procuration pour agir au nom de Jésus. Regardez Marie, tellement habitée par Dieu que dès son arrivée chez Élisabeth, elle s’entendit dire : qui suis-je pour que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi (Lc 1, 43)? Chaque parole de Marie était une parole de Dieu. Comme elle, notre oui à Jésus nous fait créatures nouvelles, tellement nouvelles que nous sommes participants de la nature divine (2 Pi 4, 2).
La cause première des problèmes aigus de la foi n’est pas à trouver dans la longue liste d’absence dans nos célébrations. La pauvreté de la foi ne repose pas sur notre manque d’habileté à faire autrement ce qui a toujours été fait de telle ou telle manière. N’accusons pas Internet et les médias virtuels. Le problème d’annoncer Jésus repose sur notre capacité de vivre en présence de Jésus au milieu de nos activités. De le transfigurer en menant une vie sans haine, sans verbiage, sans mur entre nous. Jésus disait à sœur Marie de la Trinité au milieu du siècle dernier : toi, sois moi et je serai toi.
Au début de son texte-programme, La joie de l’évangile (no 3), le pape François écrit : J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce que personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur.
À votre contemplation : laissons Jésus nous amener à l’écart, laissons-le placer ses doigts dans nos oreilles, laissons-le toucher notre langue avec sa salive comme il l’a fait au sourd et muet (cf. Mc 7, 33-34), et entendons-le nous dire : ouvre-toi à ma présence et tu seras qualifié, mandaté par Dieu, pour exexcer une pastorale divine (Michael Zulehner). AMEN.
[1] Pape François, Messe chrismale, 2 avril 2015.