2016-C-Lc 18, 1-8- samedi 32e semaine ordinaire - Longtemps
Année C : samedi de la 32e semaine ordinaire (litco32s.16)
Luc 18, 1-8 : longtemps
Ce matin, Jésus me donne une bonne leçon pour mes homélies. Il m’enseigne à ne pas être compliqué. J’en suis confus. Certains diront que c’est trop compliqué pour moi.
Pour enseigner à ses disciples comment prier, Jésus ne leur donne pas un cours magistral. Il ne cite pas de longs passages de priants de l’Ancien Testament qui pourtant ne manquent pas. Rien de très magistral. Il leur dit : regardez cette petite femme du quartier. Regardez le parcours qu’elle fait depuis de nombreux jours jusqu’au tribunal, quel que soit le temps qu’il fait ou la lourdeur de sa fatigue. Regardez comme elle est tenace, pugnace, combattive. Suivez son exemple.
Et quand cette femme est une veuve, une personne très démunie, la plus pauvre des pauvres, que rien n’arrête, pas même la notoriété du juge, le message sur la prière devient simple : n’arrêtez pas de prier. Restez confiants. Les pauvres ont leurs moyens à eux de se faire entendre. Ils crient leur douleur, leur désarroi. Ils deviennent tellement harcelants qu’on leur répond, ne serait-ce que pour avoir la paix.
L’évangile déborde de passages où les pauvres, les marginaux, les mis au rancart par la société se mettent à crier, à talonner Jésus jusqu’à ce qu’il les entende. Songeons à ces dix lépreux dont on a lu le récit de guérison il y a peu de temps (cf. Lc 17,11-19). Songeons à l’aveugle de Jéricho le long de la route (Lc 18, 35-43). Ces gens ont pour devise: sortir pour prier Jésus de les aider.
Luc précise ce matin, que longtemps le juge refusa d’entendre cette veuve. Longtemps, c’est donc dire qu’elle a insisté, crié, l’a harcelé sans cesse pour se faire entendre du juge. Le pauvre est celui qui crie pour se faire entendre. Devant leurs cris, nul ne résiste.
Longtemps. Et si c’était aussi l’expérience même de Jésus. Regardez-le au mont des Oliviers au moment de sa Passion. Il prie, supplie avec insistance toute la nuit son Père de lui éviter de boire le calice qu’il lui présence. Regardez-le se retirer toute la nuit pour prier. Ça lui prenait toute la nuit pour être avec son Père.
Longtemps. Regardez la prophétesse Anne (cf. Lc 2, 25-35) qui servait dans le temple du Seigneur et y priait jour et nuit, attendant la délivrance de Jérusalem. Cela lui vaudra de voir Jésus au moment où ses parents viennent le présenter au temple.
Longtemps. Regardez Marie. Elle était depuis longtemps en prière avant d’être surprise par la visitation de l’ange. C’est en état de prière qu’elle suivait son fils jusqu’à s’entendre dire des paroles blessantes quand il feignait d’ignorer qu’elle était sa mère. C’est en prière qu’elle se tenait transpercer de douleurs au pied de la croix de son Fils.
Longtemps. Regardez ces femmes autochtones, d’ici et d’ailleurs, qui depuis des années, réclament que vérité soit faite sur la disparition de leurs enfants ou de leurs maris. Regardez tous ceux qui militent à Amnistie internationale ou à l’ACAT et qui, par leurs courriers et leurs prières, font pression pour que justice soit faite.
Que vous dire d’autre. Longtemps. Il faut toujours prier et sans se décourager (Lc 1, 8). Si Jésus prend le soin de le préciser, c’est dire l’importance à ses yeux d'être confiants, comme la veuve qui, avec sa pauvreté, n’a cessé de déranger monsieur le juge. Et notre pauvreté à nous n'est-elle pas aussi pesante que celle de la veuve ?
Je suis un peu mal à l’aise de terminer cette homélie en dérobant à la pédagogie de Jésus qui se refuse de discourir sur la prière en s’appuyant sur de grands priants. Je me permets de citer une grande priante du siècle dernier, récemment canonisé, mère Térésa, qui disait la même chose : tu veux prier mieux, tu dois prier plus. Et j'ajoute: longtemps. AMEN.