2015-B- Lc 13, 1-9- samedi 29e semaine ordinaire-le monde est plus qu'un problème
Année B : samedi 29e semaine ordinaire (litbo29s.15)
Luc 13, 1-9 ; Rm 8, 1-11 : le monde est plus qu’un problème
Pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n’y a plus de condamnation (Rm 8,1). Pensez-vous que les Galiléens étaient plus pécheurs que vous ? J’ajoute cette déclaration du pape François dans l’avion le ramenant à Rome : qui suis-je pour juger ?
Aujourd’hui nous semblons ne voir que les tours qui tombent, que l’escalade de la violence qui touche des civils innocents, que ces migrants qui meurent en mer, que ces catastrophes naturelles, que la violence qu’il y a dans le cœur humain (cf. Loué sois-tu, #1). Jésus formule une question qui nourrit beaucoup de conversation : comment Dieu peut-il permettre ce qui arrive ? Est-il responsable de ce qui nous arrive ? Le pape Benoît, oubliant un instant son rôle, s’est posé la question à Auschwitz : où était Dieu quand cela este arrivé ? Un fort mouvement s’infiltre dans les veines de chrétiens pour y voir la vengeance de Dieu. Je songe à ce théologien Stanley Hauerwas, l’un des plus célèbres représentant de ce mouvement aux USA et en Grande-Bretagne. Il a beaucoup d’adeptes.
Alors que l’accoutumance de ces scènes de violence, de désolation risque de nous endormir, d’anesthésier notre regard, notre cœur, surgit en moi cette question du prophète Aggée : Reste-t-il parmi nous quelqu’un qui voit ce Temple dans sa splendeur, [qui voit] que la splendeur future de ce Temple surpassera la première (Ag 1, 17; 2,9). Reste-t-il quelqu’un qui voit cette maison commune dans toute sa splendeur, comme nous y invite l’encyclique Loué-sois-tu ? Reste-t-il quelqu’un qui voit autre chose que du noir ? Qu’un immense trou noir ? Les scientifiques de l’espace voient dans l’immense trou noir une vie qui s’y cache.
Devant notre regard triste, notre triste regard sur les événements de notre monde, retentit en moi cette réponse lumineuse du pape François dans Loué sois-tu (#12) : le monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux que nous contemplons.
Ce matin, devant cette tour qui tombe, ce figuier stérile, retentit un appel à nous donner des yeux contemplatifs. Des yeux qui voient les personnes, en les regardant en face et en écoutant leur histoire, en essayant de répondre le mieux possible à leur situation, de répondre d'une manière toujours humaine, juste et fraternelle (pape François s’adressant au Congrès des États-Unis).
Au lieu de lire ce passage avec des yeux terre-à-terre, des yeux tristes, des yeux aveuglés par les tragédies qui inondent notre quotidien, nous devrions plutôt voir dans cette tour qui tombe le visage de Dieu qui spontanément descend pour rejoindre, accompagner, soutenir et marcher avec les écrasés des tragédies humaines. Quelle proximité de Dieu il y a là-dedans ! Jésus, l’envoyé du Père, est cette tour qui tombe toujours du coté des blessés à guérir. Il tombe, descend, dit la bible, parce qu’il a vu la misère de [son] peuple, [… parce qu’il] connait ses souffrances (Ex 3, 7).
Au lieu de déplorer cette tour qui tombe, on devrait être reconnaissant qu’elle tombe, qu’elle descende du ciel non pour nous écraser mais pour nous relever. Cette tour devrait faire l’objet de notre reconnaissance. C’est la stratégie du Malin, pour citer le pape François, d’anesthésier notre cœur en ne regardant que le dehors des événements. Ne broyer que du noir, c’est un grand mal.
Depuis le matin de Pâques, toute la douleur qu’il y dans le monde n’est pas douleur d’agonie, mais douleur d’accouchement (Paul Claudel). Comme l’exprime la première lecture, si le Christ est en vous, votre corps aura beau être voué à la mort, l’Esprit est votre vie parce que vous êtes devenus des justes. Ma prière ce matin : Donne à chacun Seigneur la claire vision (oraison) pour éviter à notre regard l’anesthésie du cœur. AMEN.