2015-B-Jn 7, 40-53 -samedi 4e semaine carême- Jésus monte à Jérusalem
Année B: Samedi 4e semaine carême (litbc04s.15)
Jean 7, 40-53 : Une Terre de compassion qui conduit à la mort.
Inévitable, cette décision de tuer Jésus. Nous sommes en présence de deux mondes, celui de l'exclusion ou de la réintégration ; celui du virus du mal ou de croire possible le virus du bien. Deux visions de la manière de vivre la foi. Deux chemins, l'un tout extérieur et l'autre tout intérieur. Jésus ne joue pas le sacré contre le profane, le « dedans » du temple contre le « dehors » (Lc 6, 36-38). Il invite à habiter le profane avec une telle intensité qu’il en devient sacré.
Devant ce dilemme, devant cette confrontation, une évidence surgit : à quoi bon garder plus longtemps celui qui contamine la religion ? Il ne comprend rien, fait toujours à sa tête, disent ses adversaires. Jésus rencontre des gens qui semblent incapables de changer. Incapables de penser autrement.
Il est ce signe de contradiction qu'avait annoncé Siméon à Marie (cf. Lc 2, 34). Il ne laisse personne indifférent au point que la foule se divisait à son sujet (Jn 7, 43). Tellement inébranlable dans son souci de ressusciter de la dignité chez les moins que rien, qu'on reconnait que jamais un homme n'a agi comme cet homme. Jésus n'a pas de paroles creuses, de paroles rusées pour s'élever au dessus de la loi (pape François). Il est vrai.
Son message est clair : soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas et vous ne serez point jugés ; ne condamnez pas et vous ne serez point condamnés ; pardonnez et vous serez pardonnés. Jésus s'oppose à ses adversaires en faisant le bien, en optant pour le langage de la compassion. Le signe de l'arrivée de la bonne nouvelle se voyait dans sa proximité avec l'opprimé, dans sa défense de la cause de la veuve. Cela provoquait étonnement, admiration, mais soulevait aussi critique, bavardage, haine. Confrontation entre le langage de la charité et le langage de la force, de l'exclusion.
Ce dilemme est au cœur de notre quotidien. Nous vivons dans un monde où la compassion est perçue comme un signe de faiblesse. Pour plusieurs, le langage de la compassion, de l'amour est celui d'une religion du passé, dépassée. La force, la destruction, la décapitation semblent être les seules voies pour imposer ses vues.
Le pape François s'attaque constamment à cette vision quand il dénonce dans son exhortation sur la joie de l'évangile, des pastorales qui privilégient les principes […] sans proximité, sans tendresse, sans caresse. Dans son entrevue du début de son service comme pasteur de l'Église, il fait remarquer à une question du journaliste Scafari sur l'amour des autres : Hélas, l'égoïsme a augmenté et l'amour envers les autres a diminué.
Aujourd'hui dans nos vies de chrétiens, de moniales, nous vivons le même dilemme. Le disciple n’est pas au-dessus du maître (Mt 10, 24). Quand nous agissons au nom de l'Évangile, quand nous ne parlons pas le langage de l'exclusion mais celui de la charité, nous sommes comme Jésus des signes de discorde. Tous les jours des chrétiens sont assiégés, assassinés. Des communautés chrétiennes soient systématiquement humiliées, frappées, insultées.
Dans son encyclique Deus est caritas, le Pape Benoît XVI observait que l'amour —caritas— sera toujours nécessaire, même dans la société la plus juste […]. Celui qui veut s'affranchir de l'amour se prépare à s'affranchir de l'homme en tant qu'homme. François d'Assise allait plus loin encore quand il déplorait que l'amour ne soit pas aimé. Quelques siècles plus tard, à Florence, la carmélite sainte Marie-Madeleine de Pazzi (1566 - 1607) sonnait les cloches du monastère de son Carmel pour que le monde sache combien l'Amour est beau ! Moi aussi, je voudrais sonner les cloches pour dire au monde comme il est beau d'aimer !
Devant ce dilemme vécu sans animosité et sans peur, une attitude s'impose à nous : que rendrai-je au Seigneur (Ps 115,12) ? Et la lecture de Jean fait surgir une réponse : ni sacrifices, ni holocaustes, ni observances du culte légal, mais notre vie elle-même, tout entière, parce qu'elle est, et cette eucharistie nous le redit, le vase que Jésus emplit de son sang versé pour nous. AMEN.