2015-B-Lc 18, 9-14- samedi 3e semaine carême- pharisien-publicain ou se laisser décomposer :
Année B: Samedi 3e semaine carême (litbc03s.15)
Luc 18, 9-14 : Pharisien et publicain, se laisser décomposer
Parmi les cinq caricatures de la vie religieuse, le pape François identifiait une prière sans rencontre. Dès les premières lignes de La joie de l'Évangile, il exhorte chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui (EG, no.3).
Une prière sans rencontre. Ce pharisien et ce publicain avaient en commun la même incapacité : ils ne savaient pas prier. Les deux sont isolés du reste du monde, l'un à cause de ses vertus, l'autre de ses péchés. Les deux ne faisaient pas de place à l'autre. Ils ne connaissaient pas la dilatation du cœur, pour citer le grand priant saint Benoît, et qui donne d'héberger et de rencontrer en nous Dieu et les autres, nos frères.
Même si en théorie, ils se reconnaissaient pécheurs, nous pouvons tous dire que nous sommes pécheurs en théorie, disait François (homélie du 3 mars 2015), l'un ne se sentait pas vraiment pécheur tant dans sa prière, il n'exprimait que ce qu'il avait fait de bien et l'autre n'éprouvait pas la miséricorde de Dieu tant il n'énumérait qu'une longue liste de choses mauvaises qu'il faisait. Les deux n'étaient pas en relation avec Dieu. Avec sa miséricorde.
Tous les deux refusaient de vivre leur instant de prière dans ce double mouvement de sortie de soi à découvert vers Dieu et de sortie de soi à découvert pour faire de la place aux autres sans osciller d'un côté ou de l'autre. Leur prière était toute tournée vers eux-mêmes. L'un s'auto-louange. L'autre s'auto-flagelle. Pas dynamisant du tout que prier ainsi ! Prier sera toujours une entrée en Dieu et une sortie vers les autres.
La vraie prière fait émerger cette vérité profonde sur soi-même qu'exprime comme un petit bijou, la prière eucharistique # 4: que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à Lui qui est mort et ressuscité pour nous. Le Père carme, prédicateur de la retraite au Vatican, frappait fort quand il précisait que la prière nous pousse à se laisser décomposer, à se débarrasser de tout masque, de toute ambiguïté, à sortir de la clandestinité dans laquelle l’on se cache souvent et qui, de nombreuses fois, se dissimule derrière une religiosité uniquement extérieure, privée du courage de la vérité.
Se laisser décomposer, un chemin pour initier une vraie rencontre avec Jésus. C'est ce que nous voulons. C'est ce que nous cherchons. Pour y arriver, Thérèse d'Avila donne ce conseil : ne consentons pas que notre cœur soit esclave de qui que ce soit, si ce n'est de Jésus (Chemin de perfection 6, 5). Ne pas être esclave de nos misères comme de nos réussites.
Questions à nous poser : notre cœur appartient-il réellement au Seigneur ou est-ce que nous nous contentons de comportements extérieurs ? Qu'en est-il vraiment de mon rapport à Jésus ? Aux autres ? Sommes-nous des figuiers stériles tant nos vies sont centrées sur l'extérieur ? Dans toute prière, un retour sur soi est nécessaire. Non un retour à la manière du pharisien ou du publicain, mais un retour qui interroge notre ouverture à nous laisser surprendre par la bonté de Dieu, son regard qui nous contemple sans s'arrêter à nos fautes.
Rentrer dans cette relation personnelle avec Dieu alors que nos casseroles intérieures font du bruit, assumer ce que l'on est sans délectation comme le pharisien ni dégoût comme le publicain n'est pas facile. Prier à découvert n'est pas facile. N'attendons pas d'être parfait, d'être impeccable pour prier. L'essentiel est de se tenir à découvert pour que s'ouvre une brèche où Dieu s'infiltre pour nous suggérer ces mots d'une hymne de la liturgie de Laudes : ‘Nous n’avons pour seule offrande que l’accueil de ton amour. AMEN.