2007 -C- Lc 11, 15-26 -Vendredi 27e semaine ordinaire- le royaume du satan
Année C : Vendredi 27e semaine ordinaire (litco27v.07)
Luc 11, 15-26 LE ROYAUME DE SATAN
Il y le Règne de Dieu. Pour nous le présenter, Jésus utilise l’image parabole de la graine de moutarde qui n'a rien de massif ni d’imposant ou encore celle du grain tombé qui doit mourir pour porter du fruit, pour habiter tous les oiseaux du ciel. Dans notre société où règne le besoin de paraître fort, ces images saisissantes, déroutantes suggèrent que pour voir ce royaume grandir en nous, nous avons besoin à la fois de la terre et du ciel, de la pluie et du soleil. Ces images parlent de fragilité, de vulnérabilité.
Ce qui étonne ce matin dans la lecture de l’Évangile, c’est que Jésus nous parle de l’existence d’un autre royaume, celui de Satan, présent autour de nous et en nous. Pour nous le présenter, Jésus utilise une autre image parabole, celle d’un « homme fort et bien armé qui garde son palais et ses biens sont en sécurité » (Lc 11,21) Quel contraste ! A lire attentivement cette parabole, nous percevons bien que la puissance du Maître est plutôt fragile. Que son royaume est «divisé». Divisé par le «prince du mensonge »; divisé par la haine qui tue, paralyse. «Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine. »
Ce royaume, parce que le Maître est absent, parti au loin, (Mtt25, 14-30) tombe en ruine. Il est livré à « l’homme fort ». Il devient, selon le mot d'un prophète, un repaire de serpents et de démons (Is 34,14). Il est possédé du démon, « privé d’amour » dirait Thérèse d’Avila. Ce Royaume est à l’opposé de ce Règne de « justice, d’amour et de paix » que clame la préface du Christ Roi. À l’opposé de ce dont Paul précise qu’il « n’est pas nourriture et boisson mais paix et joie dans l’Esprit saint » (Rm14, 17).
Contemplatives, contemplatifs, oui, il y a une terre, un lieu où règne Satan. Mais nous dit Luc, le plus fort, c’est Jésus qui vient de nous en donner un signe en chassant un démon muet. « Si c’est par le doigt de Dieu – par l’esprit saint dirait Matthieu (Mtt 12,28) que j’expulse les démons, c’est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous » (Lc 11.20). Les portes du Mal ne résistent pas à la puissance du Bien. « Au doigt de Dieu ». Toute lumière si faible soit elle, repousse l’opacité des ténèbres.
L’évangile de ce jour dit la victoire de Jésus – le véritable homme fort – sur nos tendances à « ne voir que l’abomination, à ne regarder que notre misère » comme l’exprimait, dans des mots d’une brûlante actualité, le prophète Habacuc dimanche dernier. Un tel regard – ne voir que notre misère - ne vise qu’à obscurcir notre foi. Il nous faut résister à ce regard qui est l’œuvre du Prince du Mal en demeurant « ferme dans la foi » (1 Pi 9), jusqu’à demander comme les apôtres « Seigneur, augmente en nous la foi » (Lc 17, 5-10). Loin d’être une démission, ce regard de foi injecte dans nos veines une énergie fantastique capable de réaliser ce que nos seules forces humaines ne peuvent réussir: vivre les yeux fixés sur la liberté que Jésus nous offre plutôt que de préférer les divisions qu’apportent le royaume de Satan.
À votre contemplation : ne cherchons pas à comprendre le mystère de ce Royaume du mal. Soyons seulement conscient de son existence, de son action néfaste en nous. Sachons que nous pouvons vivre pour moins que Dieu en nous laissant envahir par toutes ces divisions qui s’introduisent en nous par les failles de nos attirances vers le bas. Sachons aussi qu’en notre « noble fond » (Tauler), il y a un autre Royaume dont jamais Dieu ne se retire parce qu’il se plaît à résider en nous. Quelle noblesse ! Reconnaître cette présence-là peut nous éviter de devenir caverne de brigands. Elle nous fait désirer non seulement de « faire mémoire de Lui » mais d’être Lui. AMEN