2025-C-Mt 5, 43-48 - samedi de la 1er semaine CARÊME- déclaration de bonheur.
Année C : samedi de la 1re semaine du CARÊME (litcc01s.25)
Mt 5, 43-48 ; Dt 26, 16-19- une déclaration de bonheur.
Élevons nos cœurs. Prenons de l’altitude. L’incarnation, disait saint Athanase, est une assomption de notre humanité en Dieu. En se rendant en tout semblable à nous (Hb 2, 17), Jésus nous rend capables de devenir en tout, par pure grâce, semblables à Dieu. Il s’est fait l’un de nous pour que nous devenions éternels, dit une préface de Noël.
L’archimandrite Sophronie utilise une très belle expression pour nous dire cela. L'homme est plus qu'un microcosme, il est un microthéos, étant une créature, il a reçu le commandement de devenir Dieu[1]. Il ne s’agit pas de se dépouiller de notre humanité, mais de revêtir du Christ afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie (2 Co 5,4).
C’est à cette profondeur qu’il faut aller pour comprendre l’appel à aimer nos ennemis. John Meir, grand chercheur biblique, observe que nulle part ailleurs, ni dans l’Ancien Testament ni dans la littérature de l’époque, nous ne trouvons un appel aussi radical.
Cette demande de Jésus réveille en nous la beauté de notre identité. Nous pouvons partager la vie même de Dieu. Mais ne soyons pas naïfs, ce n’est pas facile. Quand nous découvrons qu’il y a du bien dans le pire d'entre nous et du mal dans le meilleur d'entre nous, nous devenons moins enclins à détester nos ennemis. Ne voir en l’autre que ses défaillances, ne voir qu’un ennemi, c’est être aveuglé sur soi-même jusqu’à s’idolâtrer. En nous, il n’y a pas que du bon. Nous n’avons pas le droit de désespérer de voir le bon qui se cache sous la braise.
Ce qui fait de l’autre un ennemi, ce n’est pas sa noirceur intrinsèque, c’est qu’il est mon rival, qu’il se tient dans le camp opposé du mien, dans une nation opposée à la mienne. La mentalité de l’Ancien Testament est de l’abattre. Je les hais d’une haine parfaite. Ce sont pour moi des ennemis (Ps 39). Jésus réfute cette vision.
Le demande de Dieu nous force à ne pas seulement nous arrêter sur les défaillances qui nous blessent. Elle nous pousse à ne pas oublier notre véritable identité. Nous sommes des humains divinisés. Des pécheurs réconciliés. Des guérisseurs blessés (Henri Newman).
Les chrétiens ne sont pas d’abord ceux qui “parlent” de Dieu, mais ceux qui reflètent la beauté de son amour, une nouvelle façon de vivre toute chose[2]. Si je peux, disait Luther King, aider quelqu’un en chemin, si je peux réconforter quelqu’un avec un mot ou une chanson... alors ma vie n’aura pas été vécue en vain.
Pour diviniser nos vies, Jésus nous suggère des exemples très forts. Remets ton épée à sa place (Mt 22, 56). Dans la parabole du samaritain (Lc 10,29), c’est un ennemi juré qui offre son aide. Ça donne du vertige. Dans la scène du puits de Jacob (Jn 5, 4-42), c’est Jésus qui demande à une ennemie de sa race de lui donner à boire. C’est un impossible possible.
Aimez vos ennemis. Cet appel audacieux de Jésus ralentit notre ardeur à nous faire juge et rappelle l’existence de la poutre dans notre œil ou la première pierre lancée à la pire pécheresse. Nous n’avons pas le droit de désespérer de l’autre. De désespérer de voir le bon qui se cache sous la braise.
Comme le dit le pape François, nous pouvons au moins se risquer à faire tous les efforts possibles pour discuter, pour négocier. Il n’est pas vrai que nous avons tout fait pour rebâtir des ponts. Notre foi serait vaine si nous affirmions cela. AMEN.