2025-C-Lc 6, 27-38- dimanche de la 7e semaine ORDINAIRE- le poisson pourrit la tête.
2025—C- dimanche de la 7e semaine ORDINAIRE (litco07d.25)
Lc 6, 27-38- le poisson pourrit par la tête (proverbe chinois).
Dans le récit de sa conversion au christianisme, le musulman Joseph Fadelle (nom d’emprunt) écrit que pour les musulmans cette attitude demandée par Jésus d'aimer ses ennemis est totalement incompatible avec le Coran. Elle montre que les chrétiens sont des faibles et méprisables[1]. Il décrit un chemin de martyr pour lui et les siens.
Pour les musulmans, dit-il. Soyons honnête pour chacun de nous pétris de la terre (lecture), cette page appelle à ne pas attrister l’esprit de Jésus en faisant disparaître de notre vie, amertume, emportement, colère, éclats de voix, insultes, toute espèce de méchanceté (Ep 4,31).
Le risque est grand de maintenir en nous l’esprit de Caïn. Vivre ensemble d’un seul cœur et d’une seule âme (Ac 4,32), revêtir l’esprit de Jésus (Ep 6, 11), afin que ce qui est mortel soit englouti par l’humanisme de Jésus (2 Co 5, 4), opter pour les comportements très humains de Jésus, tellement humain qu’ils sont divins, ce n’est pas gagné d’avance.
Élevons nos regards. Ne moralisons pas cet appel de Jésus. Il s’agit plutôt de réveiller en nous la beauté de ce que nous sommes. Jésus dessine la grandeur de l’humain que nous sommes. L’incarnation, disait saint Athanase, est une assomption de notre humanité en Dieu. En se faisant l’un de nous, Jésus nous rend éternels (préface de Noël). L’archimandrite Sophronie utilise une très belle expression pour nous dire cela. L'homme est plus qu'un microcosme, il est un microthéos, étant une créature, il a reçu le commandement de devenir Dieu[2].
Mais ne soyons pas naïfs, ce n’est pas facile de vivre le ciel sur la terre. Ce n’est pas facile d’apposer notre signature à cette chartre de la non-violence chrétienne. Pas facile de passer par cette porte étroite pour vivre d’une égalité débarrassée de toute rivalité, de toute haine. Cet appel devrait nous faire du bien parce qu’il fait la promotion de ce que vous et moi, nous recherchons : vivre ensemble en harmonie.
Jésus montre une logique de la démesure. Il définit le contour d’une vie en société. Que d’amour il faut pour pardonner ! Nous nous écorchons plus que nous nous aimons (Pape François). Un proverbe chinois exprime bien le défi de vivre sans haine quand il dit que le poisson pourrit par la tête. Dans notre tête, le vieil homme nous ronge. Le virus du moi est difficile à éliminer. Nous ne sommes pas seulement des individus. Nous sommes des gens de relation. Nous avons encore à devenir des êtres pour les autres. Il faut devenir des personnes fraternelles. Nous avons perdu le goût de la fraternité (Fratelli tutti, # 33). À quoi bon d’aimer seulement ceux qui vous aiment.
Comment vivre ce projet de Jésus ? Comment est-ce possible ? Comment est-ce possible de nous faire du bien entre nous. De souhaiter du bien aux autres. Comment est-ce possible de s’aligner avec l’attitude de Jésus ? Nous sommes aux antipodes de l’attitude de David (lecture) qui s’est refusé de tuer son rival alors qu’il l’avait dans sa main.
Je vous suggère un chemin parmi plusieurs autres. Voir sous la surface, sous une réaction impulsive de notre voisin ennemi une mesure de bonté. Découvrir qu’il y a du bon dans le pire d’entre nous et du mal dans le meilleur d’entre nous. Ne voir en l’autre que ses défaillances, ne voir qu’un ennemi, c’est être aveuglé sur soi-même jusqu’à s’idolâtrer. Nous pouvons être aussi des ennemis pour les autres.
Les chrétiens ne sont pas d’abord ceux qui “parlent” de Dieu, mais ceux qui reflètent la beauté de son amour, une nouvelle façon de vivre toute chose[3]. Quel enchantement nous éprouverions si nous avions des regards de lumière pour mieux voir que l’autre n’est pas l’enfer (Sartre), mais le ciel (S. Bernard), le lieu, le sanctuaire où Dieu habite. Vivre cet appel, c’est rééditer le paradis terrestre. AMEN.
[1] Joseph Fadelle, le prix à payer. Ed. œuvres 2010 p.192