2025-C-Mc 8, 1-10 - samedi de la 5e semaine ORDINAIRE- un souper d'amour.
2025-C- samedi de la 5e semaine ORDINAIRE (litco05s.25)
Mc 8, 1-10 : un souper d'amour
Ne regardons pas ce geste de Jésus comme un geste humanitaire. C’est un geste exemple. C’est un exemple que je vous ai donné (Jn 13, 15) pour que nous fassions de même. Ce qui est dérisoire –cinq pains et deux poissons- est en fait un don. Jésus et sa parole ont toujours été une miette au regard de la grande famine d’entendre la Parole de Dieu. Dans son cantique spirituel, Jean de la Croix voit cette miette dérisoire comme un souper d’amour [qui] restaure. D’un souper qui recrée.
La question des disciples du comment nourrir une telle foule, nous nous la posons en voyant le nombre de personnes qui ont faim et soif, qui désirent sortir de l’itinérance, trouver une demeure, retrouver à nouveau le goût de vivre. Cette question n’intéresse pas Jésus. Plutôt que d’organiser une réunion pour savoir quoi faire, Jésus leur montre que les disciples ne voient pas leur richesse, seulement le désert où ils sont.
Jésus n’est pas aveugle. Il voit que beaucoup sont venus de loin et risquent de défaillir en chemin. Il voit aussi ce que les disciples ne voient pas qu’ils ont quelque chose à donner, même si ce n’est pas grand-chose. Jésus demande à ses disciples d’être des petites miettes de compassion, de miséricorde sans doute dérisoires. Il leur demande de regarder non pas le peu qu’ils possèdent, mais ce qu’ils sont. Jésus veut les « embarquer » dans son propre projet du petit peu qu’il est alors que les disciples veulent « associer » Jésus à leur inquiétude devant l’immensité de la foule (Ac 4,4).
Renversement de regard : regarder ce que nous avons, c’est la question du comment ; regarder ce que nous sommes, c’est donner ce que nous sommes. Donnez-leur vous-mêmes ce que vous avez, c’est l’option Jésus.
Pour illustrer cela, Catherine de Sienne nous partage une belle image. Supposons qu'il y ait plusieurs personnes à venir chercher de la lumière avec des cierges. Dans chaque cierge allumé, quel que soit son volume, l'on voit désormais la lumière tout entière, sa couleur, sa chaleur et son éclat...Chaque petit cierge que nous sommes, chaque petit geste que nous posons contient l’immensité de la compassion de Jésus pour l’humanité. Il en reste même pour les autres. Douze paniers. Que c’est beau !
Nous voyons bien le désert humain et spirituel de notre temps. Nous voyons bien l’angoisse des gens à se nourrir, se loger. Est-ce que nous entendons la demande de Jésus : donnez-leur vous-mêmes ce que vous avez ? Jésus a besoin que nous donnions ce que nous sommes. Quand nous mettons en commun tous ces petits riens que nous sommes, ça produit un beau fruit. Que c’est beau !
Cette demande de Jésus a tellement étonné les disciples qu’elle est racontée six fois dans les quatre évangiles. Marc et Matthieu en parlent deux fois avec certaines nuances. Luc et Jean, une fois. Cette demande de Jésus a pour but de déplacer le regard de ses disciples. Elle nous pousse à faire quelque chose, à quitter la rive de nos sécurités, à nous propulser au-delà du possible. Ce récit nous parle beaucoup aujourd’hui. Il est un point de repère très fort alors que nos petites miettes au lieu de nous démobiliser devraient nous réjouir à faire notre part.
Autre élément non anodin. Ce récit parle de synodalité. Jésus délègue son pouvoir. Il donne un mandat non optionnel. L’histoire d’un petit colibri nous dit cela. Pour éteindre un incendie de forêt alors que les autres animaux exprimaient leur découragement, il allait et venait jeter sa petite goutte d’eau sur le feu. À ceux qui se moquaient de lui, il répondait je fais seulement ma part.
Je conclus par cette belle réflexion de mère Térésa : quand nous n’avons rien à donner, donnons-Lui ce rien. Et rappelle-toi : même si tu ne récoltes rien, ne te lasse jamais de semer. Nous fatiguer de semer l’espérance serait, comme l’exprime la lecture, de refuser de placer Dieu au centre de nos vies. AMEN.