2024-C-Lc 1, 39-45 - dimanche 4e dimanche de l'AVENT- une femme aux pieds sales
Année C : dimanche de la 3ière semaine AVENT (litca03d.24)
Lc 1, 39-45 : une femme aux pieds sales.
Il existe des milliers de façons d’imaginer Marie. Celle de la grotte de Massabielle, celle de la Guadalupe de Juan Diego, celle représentée sur la médaille miraculeuse avec ses rayons sortant de ses mains, celle qui défait les nœuds. On la regarde comme Nouvelle Ève ou mère de miséricorde. Marie est plus qu’une icône culturelle. Que d’artistes ont revisité Marie !
Ce matin, je vous offre cette très belle image de Carlo Caretto (1910-1988) que le pape François faisait sienne en la fête de l’Assomption. Elle représente Marie non comme une femme de cire, immobile, les yeux fixés au ciel, mais comme une femme aux pieds sales, assise sur le sable du monde, une sœur fatiguée, marchant avec des sandales usées, avec tant de fatigue dans les veines[1] qui sait laisser parler son cœur, qui sait parler au cœur. Des pieds sales sont le lieu de départ et d’arrivée de toute rencontre.
La devise du Cardinal Newman le cœur parle au cœur nous donne une indication de l’inexprimable que vivait Marie et qu’Élisabeth a bien ressenti en la déclarant bienheureuse entre toutes les femmes. Alliance de cœur. Mariage de cœur. L’irrésistible émerveillement de Marie fit voir à Élisabeth quelque chose de l’irrésistible émerveillement qu’elle vivait à l’âge avancé.
C’est à partir du cœur que l’oreille entend. C’est à partir des pieds sales que se montre un cœur plein de charité. Le langage des pieds sales exprime l’inexprimable bonne nouvelle que Marie venait d’entendre. Nul mot humain ne peut verbaliser l’émerveillement qu’elle a dû éprouver. Sa rencontre avec l’ange fut vécue dans un cœur qui parle à un cœur et avec des pieds sales de service. Quand l'éternité rentre dans le temps, les mots humains déraillent et ne sont plus audibles. Des pieds sales deviennent alors un puissant langage.
Tellement touchée, ébranlée par l’inédit de ce qui lui arrive, Marie dit le texte se lève. C’est le mot de la Résurrection. Elle part en hâte, c’est la réponse du peuple hébreu lors de la Première Pâque. Elle est le modèle des pieds sales.
Il ne faut pas regarder cette scène de Marie allant visiter sa cousine comme un événement de plus à ajouter dans la liste de notre histoire sainte. Cette visite annonce un grand bouleversement. Dans l’échange des cœurs entre Marie et Élisabeth se perçoit l’arrivée d’un nouveau Dieu. D’un Dieu qui vient parler à notre cœur. D’un Dieu aux pieds sales aussi.
L’empressement de Marie n’est pas d’aider sa cousine Élisabeth. Le texte dit que Marie est revenue avant la naissance de Jean-Baptiste. Son empressement vient de l’intensité de la joie qui l’habite. De la joie du service qu’elle ne peut retenir. Elle doit en parler à quelqu’un.
C’est frauduleux de souligner cette visitation de Marie, cette sortie de Marie au pieds sales si elle ne conduit pas à vivre ce que nous célébrons. Aller vers les autres, c’est stimulant pour ne pas s’installer dans la médiocrité et continuer à changer (EG # 121).
Sommes-nous empressés de montrer comme l’exprime la mystique d’ici Dina Bélanger que je vis en son adorable présence […] que le Christ vit à ma place ? De montrer que Dieu [est] en moi et moi en lui (Élisabeth de la Trinité). Au terme de son roman, le curé de Campagne, l’auteur Georges Bernanos écrit et cela me dérange que nous sommes morts à l’intérieur de nous si nous ne vivons pas comme Jésus, comme Marie dont la vie a montré qu’il était habité par le Père.
Marie se mit en route (Lc 1, 39). Métaphore de toute vie chrétienne. Prenons cette route avec empressement pour annoncer à notre monde l’arrivée d’un nouveau Dieu, celui fait chair. AMEN.