2024-B-Mc 10, 13-16- samedi de la 7e semaine ORDINAIRE- c'est parti
Année B : samedi de la 7e semaine ORDINAIRE (litbo07s.24)
Mc 10, 13-16 : C’est parti.
Dans un monde où les enfants comptaient peu, ne disait-on pas sans compter les femmes et les enfants, Jésus met les pendules à l’heure. C’est parti. Il indique le chemin pour l’arrivée de son royaume. N’a-t-il pas dit aller aux carrefours des routes (Mt 22, 9-10).
Son geste d’accueillir les enfants est une bénédiction qui a suscité de vives oppositions. En plus de préfigurer sa propre situation de rejeté, son accueil invite à lever les yeux vers des horizons de paix, de fraternité, de justice et de solidarité[1], à témoigner à temps et à contretemps, en faveur d’une solidarité humaine inimaginable pour l’époque et qui le demeure. Son geste parle de fraternité à ceux qui comme les disciples de tous les temps, se regardent, se disputent comme chien et loup, pour obtenir la première place (Mc 9, 30-37).
Son geste est un geste Paraclet qui détruit et brûle les divisions profondément imprégnées et constamment promues par les garants de la religion de toutes les époques. Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront prophètes (Aa 2,17).
Avec ce geste, Jésus ouvre un horizon d’espérance qui ne déçoit pas (Rm 5, 5) à ceux et celles qui veulent bâtir un meilleur environnement fraternel, synodal. Il annonce qu’il n’y a plus de Grecs, ni Juifs, ni barbares, ni esclaves (Ga 3,18). En langage d’aujourd’hui, c’est parti pour l’abolition de la recherche de la première place. Maurice Clavel affirme, c’est très fort, que nous sommes tous nés ce jour-là[2]. L’humanité est née ce jour-là.
Dans un interview le 20 mai 2024 à la chaîne américaine «CBS News», le pape répondant librement à une multitude de questions, observe que nous vivons présentement une maladie très laide, celle de l’indifférence aux autres.
Nous avons progressé, écrit-il dans sa lettre sur la fraternité (FT # 64), sur plusieurs plans, mais nous sommes analphabètes en ce qui concerne l’assistance et le soutien aux plus fragiles et aux plus faibles de nos sociétés développées. Son geste d’accueil des enfants est une façon de faire l’histoire (FT # 116).
La poétesse Marie-Noël observe que par son accueil Jésus fait le lien entre ce qui est banal et divin. Il refuse de profaner le banal parce que c’est profaner le divin. Profaner, c‘est dégrader, souiller, avilir ce qui est précieux comme un lieu saint. Profaner le banal, c’est comme profaner un sacrement. Aujourd’hui la profanation est partout. La maison commune est maltraitée. Les migrants et étrangers sont refoulés comme à Calais aux frontières de ce qui est humainement tolérable. Profaner, c’est un crime contre l’humanité.
Par ce geste de Jésus, les disciples réalisent que l’homme qu’ils admirent n’est pas pareil à eux. Il ne rouspète pas quand on le dérange. Il n’a pas de garde du corps pour le protéger des indésirables nombreux à vouloir le voir. Le toucher. L’entendre. Jésus ne souffre pas d’insensibilité aux autres. Il sait sourire, porter attention à ceux qui n’en reçoivent pas de leurs dirigeants.
Jésus ne met pas les enfants au centre pour les câliner, pour faire leurs quatre volontés. Il les met au centre parce que ce sont ceux qui à son époque, n’ont pas d’importance. Il applique ce qu’il dit : les derniers sont les premiers. Jésus renverse la pyramide de nos critères de puissance, de richesse, de savoir, d’influence. Si l’on sait donner de l’importance à ceux qui n’en ont pas, alors tout le monde en aura.
En relisant ce geste Jésus, y voyons-nous sa grande sensibilité. Le plus grand problème aujourd’hui, écrit Betinho, un des plus grands Brésiliens d’aujourd’hui, n’est pas économique, il n’est pas politique, il n’est pas idéologique, il n’est pas religieux. Le plus gros problème est le manque de sensibilité des êtres humains envers leurs semblables, envers ceux qui sont à côté d’eux[3].
Son appel à accueillir les enfants résonne comme une parole dure (Jn 6, 63). Son geste est-il trop dur à pratiquer ? Amen.
[1] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2024/documents/20240519-omelia-pentecoste.html
[2] Maurice CLAVEL (1920-1979) : ce que je crois, éditions Bernard Grasset, 1975, page 286.