2024-B-Mc 10, 13-16- samedi de la 7e semaine ORDINAIRE- profanation
Année B : samedi de la 7e semaine ORDINAIRE (litbo07s.24)
Mc 10, 13-16 : profanation
Il y a plus de deux-mille ans, quelqu’un est passé parmi nous pour nous apprendre à vivre ensemble l’amour, la solidarité, la compassion, le respect de chacun. Il en a payé le prix. Je suis venu apporter le glaive sur la terre (Mt 10, 34). Nous avons progressé sur plusieurs plans, mais nous sommes analphabètes en ce qui concerne l’assistance et le soutien aux plus fragiles et aux plus faibles de nos sociétés développées (FT # 64). Son geste d’accueil des enfants est une façon de faire l’histoire (FT # 116). Nous préférons ne pas voir, ne plus voir les tombés de la route qu’ils représentent.
Jésus pose un geste de solidarité, un mot qui signifie bien plus qu'un geste occasionnel de générosité. Il signifie qu'il faut penser et agir en termes de communauté (FT #116). Le plus grand problème aujourd’hui, écrit Betinho, n’est pas économique, il n’est pas politique, il n’est pas idéologique, il n’est pas religieux. Le plus gros problème est le manque de sensibilité des êtres humains envers leurs semblables, envers ceux qui sont à côté d’eux[1].
Le grand rêve de Jésus fut et est de voir se réaliser une solidarité intégrale qui inclue toutes les dimensions de notre humanité. Son appel à accueillir les enfants résonne comme une parole dure (Jn 6, 63). Trop dure. Jésus place la barre très haute, trop haute tant elle sort de l’ordinaire pour qui les enfants étaient peu considérés à l’époque.
La poétesse Marie-Noël observe que Jésus fait le lien entre ce qui est banal et divin. Il refuse de profaner le banal parce que c’est profaner le divin. Toute sa vie confirme cela. Profaner, c‘est dégrader, souiller, avilir ce qui est précieux comme un lieu saint. Profaner le banal, c’est comme profaner un sacrement. Aujourd’hui la profanation est partout. La maison commune est maltraitée. Les migrants et étrangers sont refoulés comme à Calais aux frontières de ce qui est humainement tolérable. Profaner, c’est un crime contre l’humanité.
Par ce geste de Jésus, les disciples réalisent que l’homme qu’ils admirent n’est pas pareil à eux. Il ne rouspète pas quand on le dérange. Il n’a pas de garde du corps pour le protéger des indésirables nombreux à vouloir le voir. Le toucher. L’entendre. Jésus ne souffre pas d’insensibilité aux autres. Il sait sourire, porter attention à ceux qui n’en reçoivent pas de leurs dirigeants.
Jésus ne met pas les enfants au centre pour les câliner, pour faire leurs quatre volontés. Il les met au centre parce que ce sont ceux qui à son époque, n’ont pas d’importance. Il applique ce qu’il dit : les derniers sont les premiers. À ses yeux, le plus important n’est pas d’être riches, savants, puissants. Il renverse la pyramide de nos critères de puissance, de richesse, de savoir, d’influence. Jésus prend un malin plaisir à renverser les évidences parce que si on sait donner de l’importance à ceux qui n’en ont pas, alors tout le monde en aura.
Posons-nous la question : que serait notre société si les migrants, sans abris, sans logis abordables, les pauvres y avaient une place ? Si nous écrivions l’histoire, nous penserions la société du point de vue des perdants, du point de vue des exclus. Nous dessinerions la bonne nouvelle, toujours nouvelle, du royaume que Jésus désirait ardemment réaliser.
Refaire aujourd’hui ces gestes d’accueil de Jésus, c’est voir le monde comme Dieu le voit. Ce n’est pas chercher à être ou à aimer le plus puissant, y compris le Tout-Puissant, c’est chercher à ce que chacun ait sa place, et tous l’auront si les exclus l’ont. Pour plusieurs, pour les tenants de la droite extrême, cette parole est trop dure à entendre. Jésus ne pose pas un geste politique. Il pose les jalons d’une société fraternelle.
Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur comment rencontrer Dieu, comment l’accueillir, comment le voir. Ne nous y trompons pas, ce ne sont pas seulement les enfants affamés qu’il faut accueillir, mais tous les exclus qu’ils signifient. Au centre de son évangile, Marc pose la question de l’accueil des exclus, des rejetés comme signe que nous accueillons Jésus, l’envoyé du Père.