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Année B : samedi de la 3^ière semaine de PÂQUES (litbp03s.24)  

Jn 6, 60-69 : des paroles trop dures?  Vraiment?

Pour parler de l’eucharistie, plusieurs chemins sont possibles, celui des écritures, des Pères de l’Église, de l’arrière-plan juifs, etc. Je vous offre mon regard. Jésus est eucharistie non pas seulement au soir du jeudi saint, mais par toute sa vie. L’eucharistie est sa façon de vivre. Il a vécu en forme d’admiration, d’appréciation, de louange. C’est un concentré de toute sa vie qu’il nous offre en partage. Qu’as-tu que tu n’as reçu ? (1 Co 4, 7).

Ce qui est trop dur à entendre pour les disciples, c’est être des personnes eucharistiques [1]comme Jésus, c’est de mener une vie eucharistique, de marcher vers une vie nouvelle (Rm 6, 4). Pour plusieurs, cette manière de vivre est trop dure. Faut-il alors s’étonner d’entendre Jésus nous demander, voulez-vous, vous aussi, me quitter ? Impossible de vivre pleinement ce, prenez et mangez tout en demeurant ce que nous sommes. Impossible de porter un regard d’émerveillement sur ce don de ce pain sans être bouleversé jusqu’à nous convertir en pain de vie.

Cet appel à être des personnes eucharistiques, des personnes pascales soulève la question de savoir si nous sommes prêts à vivre en sacrifiant notre vie pour les autres, en nous souciant des autres (Mt 25). Voulons-nous vivre comme Jésus ou autrement que Jésus ? Lorsque Jésus dit, prenez et mangez, il ne donne pas quelque chose, il se donne lui-même. Il transmet le don qu’il est. Et nous savons, précise le Père Radcliffe, ce qu’ils en feront. 

Ce qui est trop dur, Paul en précise le contour : Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en offrande vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre (Rm 12, 1). Pour les uns, ce contour est folie, pour d’autre sagesse.

Ce qui est trop dur, c’est plus que d’être des adorateurs de ce pain exposé dans un ostensoir, vous êtes les corps du Christ (1 Co12,27).  François Cassingena-Trévedy écrivait dans une réflexion au cœur de la pandémie que la tentation est forte de réduire le Vivant à quelque chose que l’on fait, que l’on tient, que l’on consomme, que l’on mérite, que le possède. Le pain de vie, dit-il, c’est Jésus, c’est nous, c’est lui avec nous, c’est nous avec lui, c’est cet entre nous au milieu duquel surgit l’aujourd’hui de Pâques[2].

Ce qui est trop dur, c’est qu’il ne faut pas rechercher uniquement une intimité délicieuse avec Jésus. Ce prenez et mangez postule une solidarité la plus industrieuse avec nos frères du dehors. On ne vient pas à cette table pour rechercher son quota de satisfaction personnelle. Si nous ne comprenons pas la profondeur de ce prenez et mangez si nous ne saisissons pas qu’il s’agit d’une manière pascale de vivre, et je traduis dans mes mots ce qui le pape disait dans l’homélie d’ouverture du synode sur l’Amazonie(2019), notre vie ne sert à rien.

Jean ne nous offre pas en finale de son récit sur l’eucharistie une photo-souvenir à conserver. Personne ne peut entendre ces paroles sans rien changer en lui, sans être bouleversé jusqu’à prendre le même chemin. Si on laisse entrer en nous ces paroles, c’est de la dynamite (Père Trévedy). Les paroles que je vous dis sont Esprit et Vie (v.63).

Je m’arrête en terminant sur le titre de la lettre sur l’eucharistie du pape François (29 juin 22). Désirons-nous vraiment manger ce pain que Jésus nous offre ? Ce qui est trop dur, c’est que ce pain est en parfaite continuité avec l’Incarnation (#12). En le célébrant ce matin, nous faisons de nos vies une diaconie de service par en haut et par en bas. AMEN.