Année A-Lc 9, 43b-45 -samedi de la 25e semaine ORDINAIRE- plan A ou plan B
Année A : samedi 25e semaine du temps ordinaire (litao25s.23)
Lc 9, 43b-45 : choisissons-nous le plan A ou le plan B ?
Cette annonce de Jésus à ses disciples appelle une nouvelle manière d’en comprendre le sens. Ouvrez bien vos oreilles. Nulle part dans les évangiles, Jésus exprime qu’il sacrifie sa vie. Il n’a jamais pensé, écrit Joseph Moingt à la suite de plusieurs théologiens, que sa mission était de mourir en victime expiatoire des péchés des hommes… il n’a pas cherché à donner une valeur sacrificielle à sa vie[1].
Un consensus semble affirmer aujourd’hui que c’est la charité agissant en Jésus (Ga 5,6), sa manière libre d’agir en sauveur de l’humain qui l’a conduit à la mort. Jésus anticipe que sa manière de vivre est tellement menaçante pour les chefs religieux et politiques qu’il en informe ses disciples. En célébrant récemment l’anniversaire de la mort de Martin Luther King, on mentionnait qu’il a avisé ses proches que sa vie est menacée. Cette appréhension ne lui a fait pas fait changer sa manière de se comporter.
Jésus, lui aussi, prévient ses disciples que le suivre risque le même chemin. Il les avertit de la passion qui les attend. Il leur transmet que sa manière de vivre est dangereuse. Pierre s’est rebiffé contre ce chemin. Cela ne t’arrivera pas (Mt 16, 22).
Il faut nous libérer de cette image répandue que Jésus est venu sacrifier sa vie. Jésus montre un autre Dieu que celui qui envoie son fils sacrifier sa vie. Quel père enverrait sciemment son fils mourir ? Sa mort est fidélité à son engagement de vie. Sa vie jusqu’à sa mort est une « révélation » que son « Dieu » ne se laisse pas annexer par la caste des gens pieux. Il appelle à s’asseoir aux tables des non-vertueux, des non-purs, des infréquentables.
La vision franciscaine qui n’a jamais été condamné ou réfuté, affirme que l’incarnation n’est pas motivée par un problème, mais par l’amour. L’incarnation n’est pas la solution de Dieu pour nous sortir de nos malheurs. Jésus n’annonce pas à ses disciples qu’il monte à Jérusalem pour sacrifier sa vie. Il leur révèle « l’énormité » de son amour pour nous.
Vu ainsi, la naissance de Jésus est le plan A qui remonte à la genèse, le plan initial de Dieu, selon cette contemplation toute franciscaine. Le prologue de saint Jean (Jn1, 1-18) redit cela à la suite de Paul quelque quarante ans plutôt, quand il écrit il a mené le temps à son accomplissement (Ep. 1,3-14 ; Col 1, 15-20). La théologienne franciscaine Ilia Delio écrit que Christ n’était pas un plan B après que les premiers humains aient péché. Elle parle de Jésus comme le livre de la création qui nous permet de contempler le très beau[2].
Bonaventure décrit cette vision comme le retour à sa beauté originelle de ce qui a été déformé. L’amour (Dieu) n’a pas besoin d’être payé par le sacrifice de son Fils pour nous montrer comment gros il nous aime. Dieu n’a pas besoin de sacrifices de son fils pour nous sortir de nos méchancetés. Son amour est inconditionnel. Il en va de sa liberté. Opter pour un Dieu qui sacrifie sa vie, c’est à bien y songer opter, comme l’a écrit J. B. Phillips il y a de nombreuses années, pour un petit Dieu. Votre Dieu est trop petit[3].
Le père Richard Rohr, ofm, fondateur du centre action et contemplation au Nouveau Mexique et qui inspire ma réflexion ce matin, écrit dans un livre non traduit en français, mais d’une grande popularité aux États-Unis, dansing with God, que le Dieu de notre foi est bien meilleur et différent que nous l’avions pensé.
Ce matin, à notre contemplation, quel plan A, celui de l’amour qui n’exige aucune compensation, le très beau Dieu ou le B, celui du sacrifice de sa vie, le petit Dieu, attire notre prière ? Le prière eucharistique a fait le choix du plan B.
[1] Joseph Moingt, Croire au Dieu qui vient, Gallimard, tome II, pp. 129-132.
[2] Delio Ilia, l’humilité de Dieu, une perspective franciscaine, Ed. Franciscaines, 2011, p. 69