Année A-Mt 20, 1-16- dimanche de la 25e semaine ORDINAIRE- se laisser déstabiliser
Année A : dimanche de la 25e semaine ORDINAIRE (LITAO25D.23)
Mt 20, 1-16 se laisser déstabiliser.
Soyons honnêtes. Cette parabole est choquante pour nous qui sommes des« abeilles ouvrières » de la première heure. Parce que nous avons porté toute notre vie le poids de l’évangile, nous pensons que nous avons des avantages sur les autres. Nous espérons tous un petit bonus. Que nous méritons juste un petit plus que les derniers venus. Ne parle-t-on pas des droits acquis. Nous sommes des compteurs de mérite.
L’évangile n’est pas un livre de recettes à bien appliquer. C’est un livre qui nous empêche de toujours faire les mêmes recettes, de répéter les mêmes choses. L’évangile est une déclaration de foi. Jésus renverse toujours tout. Ceux que vous pensez être les derniers pourraient bien être les premiers (Mt 20,16).
Jésus nous dit qu’une seule chose. Ne comptez pas sur vos mérites. Nous ne sommes pas ici autour de cette table pour nous mériter le ciel. Nous ne sommes pas disciples pour recevoir la récompense. Dieu ne nous aime pas plus parce que nous en faisons plus pour lui. Parce que nous sommes de la première heure du jour. Nous aimerions qu’il soit plus généreux envers nous, de le première heure.
Ce qui est en cause, c’est notre vision de la bonté du Seigneur. Jésus nous sort de la méritocratie et du droit acquis. Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies (Is. 55, 8). Jésus n’est pas un distributeur de mérites. Il change nos regards humains en les élevant à une autre réalité. Pour changer le cœur des gens, Jésus ne punit pas, ne condamne pas, n’emprisonne pas. Il les aime davantage. Cela émerge des quatre évangélistes. Sa réhabilitation passe par son amour inconditionnel.
L’expérience des aumôniers de prison, des travailleurs de la rue confirment cela. C’est le regard posé sur eux qui les sauve, les sort de leur situation. Moins punir, mais aimer plus. Les aimer les éveille à devenir meilleur. Un chemin de guérison de loin le moins fréquenté. Notre attitude est pénale. Plus un crime est grand, plus grande est nécessaire la punition. Si vous vivez votre religion, dit Dom Camara, vous deviendrez différent. Admettons que cela n’est pas évident. Il ne s’agit pas de s’opposer à ce système de droit, mais de porter un autre regard. C’est le regard qui sauve.
C’est justement sur cette question de mérite que Lutther s’est opposé. Pour lui, il était inconcevable que plus on posait des gestes pour avoir des indulgences, plus on était assuré d’être sauvé. Ce ne sont pas les œuvres que nous faisons qui nous fait mériter plus, nous dit la lettre de saint Jacques. C’est la foi qui sauve.
Comment sortir de ce dilemme de faire plus pour se mériter plus des faveurs de Dieu? La seule façon est de dire MERCI et de continuer à le dire. Lorsque notre prière est constamment « Merci », et que nous savons que nous ne méritons rien, et que tout est un don, nous arrêtons de compter. Ce n’est que lorsque nous cesserons de compter et de déterminer ce que nous méritons que nous passerons du monde du mérite au monde merveilleux de la grâce. Et dans le monde de la grâce, tout est gratuit.
Je vous offre en conclusion cette prière anonyme trouvée dans un camp d’extermination, sur un papier d’emballage. Seigneur, quand tu reviendras dans ta gloire, ne te souviens pas seulement des hommes de bonne volonté. Souviens-toi également des hommes de mauvaise volonté. Ne te souviens pas de leurs cruautés, de leurs sévices et de leurs violences. Souviens-toi plutôt des fruits que nous avons portés à cause de ce qu’ils ont fait. Souviens-toi de la patience des uns, du courage des autres, de l’humilité, de la fidélité qu’ils ont réveillée en nous. Et fais, Seigneur, que ces fruits que nous avons portés soient, un jour, leur rédemption. Amen.