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Année A : mercredi de la 2e semaine du CARÊME (litac02me.23) 

Mt 20, 17-28 : amis, il faut boire.

Quelle que soit notre position sociale, nous exerçons tous un certain pouvoir. Et comme les frères Zébédée, Jacques et Jean, nous sommes tous tentés de le mettre à notre service. Combien de fois, faisons-nous sentir aux autres nos désirs de pouvoir ? Nous baignons dans une culture du pouvoir immédiat et quasi absolu. Quelqu’un écrivait dans son journal personnel qui a été publié après sa mort : ce qui est redoutable dans le monde, ce qui est redoutable dans chaque homme, c’est le pouvoir, et seulement lui.

Par quelle ruse le mot servir dans l’évangile est-il devenu synonyme de pouvoir ? Comment oublier que Jésus est d’abord serviteur ? Paul, dans ses lettres, parle de dons, de charismes complémentaires qu’il n’a jamais hiérarchisés (cf.1 Co. 12). Pour lui, partage, service, accueil sont sur le même pied d’égalité.

Jacques et Jean ont quitté rapidement leur père. Ils n’ont pas pour autant délaissé rapidement leur désir du pouvoir, leur soif de se mettre au centre, d’être les premiers de la classe. Suivre le Christ conduit toujours à ce passage pascal d’un projet humain à un chemin qui conduit Jésus et nous à sa suite, à boire jusqu’à la lie la coupe de la Passion pascale. Jésus garantit une chose à ses disciples :  ma coupe, vous la boirez (Mt. 20, 23).

Quel changement de perspective pour les deux disciples assez effrontés pour faire une telle demande en passant par leur mère ! Jésus les invite à changer de mentalité et à passer de la convoitise du pouvoir, celui d’être des « petits dieux » à la joie de disparaître, à extirper leur instinct de domination sur les autres et à exercer celui du service, de l’agenouillement aux pieds des autres.

Quelqu’un écrivait que le plus grand problème présentement n’est ni économique, ni politique, ni idéologique, ni religieux. Le plus grand problème à la source de tous les autres est la recherche du pouvoir, du manque de sensibilité des êtres humains envers leurs semblables.

Cette logique erronée n’habite pas seulement les deux fils de Zébédée. Les dix autres se mirent à s'indigner contre Jacques et Jean. Pas facile d’entrer dans la logique de l’Évangile et délaisser celle du pouvoir et de la gloire. Ce qui est arrivé aux apôtres nous arrive à nous aussi. Domination et service, égoïsme et altruisme, possession et don, intérêt et gratuité, c’est notre combat quotidien. Ce fut aussi celui de Jésus, n’en doutons pas. Parmi vous, il n'en sera pas ainsi. 

Retenons ce matin cette belle expression de saint Augustin. Parlant de Jacques et de Jean, il disait qu’ils veulent se lever avant la Lumière, se lever avant le Jour […] donner conseil à la Lumière […] s’élever avant de s’abaisser. Écoutons Paul nous dire : lui qui était dans la condition de Dieu n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu. Il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur […], il s'est abaissé en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a exalté (cf. Ph 2, 6s).

La compétition pour trouver la meilleure place est toujours ouverte. Songeons à l’image des couleurs dont parlait le pape dans l’un de ses souhaits de Noël à la Curie. Songeons à ce débat sur ce cléricalisme qui détruit l’harmonie entre croyants. Songeons aux réticences observées autour des échanges actuels sur une Église synodale.

Jésus n’étouffe pas le désir de réussir de Jacques et de Jean. En nous. Sa remarque, vous ne savez pas ce que vous demandez et sa question, pouvez-vous nous pousse à nous poser une autre question : quand suis-je autre chose qu’un serviteur ? Quand suis-je non plus le serviteur, mais l’ami du Seigneur jusqu’à boire à la même coupe que la sienne ? AMEN.