2023-A-Lc 11, 29-32 -mercredi de la 1ière semaine CARÊME- de la boue, j'en ferai de l'or
Année A : mercredi de la 1e semaine du CARÊME (litac01me.23)
Lc 11, 29-32 : de la boue, j’en ferai de l’or (Baudelaire)
Que veut nous dire Luc dans ce passage racontant l’aventure de Jonas ? Il faut dépasser l’image répandue de Jonas dans la baleine. Voyons la scène.
D’un côté, Jonas prend panique devant la tâche de convertir des cœurs endurcis. Il préfère par trois fois la mort plutôt que d’entrer à Ninive. Il ne se croit pas capable d’ébranler une population à la réputation sanguinaire. Il s’appuie sur lui-même plutôt que sur Jésus. Il oublie qu’il n’est pas le centre, seulement un serviteur quelconque. Le premier évangélisateur est l’Esprit.
De l’autre, des habitants sanguinaires qui ressemblent beaucoup au groupe terroriste le plus dangereux du monde, le Daech, qui tue tout sans pitié sur son passage. Ninive est la capitale de la débauche et de l’idolâtrie.
Et le signe qu’il faut voir : une ville païenne, soudainement, se transforme en écoutant des envoyés de Dieu et des croyants, des mandatés comme Jonas, oublient qu’ils n’ont pas mission de prosélytisme, mais d’annoncer. Dieu fera le reste. Jonas n’a pas mission d’obliger à croire selon un modèle bien précis, celui des chefs religieux, il est envoyé annoncer un projet de solidarité entre les gens de Ninive et les autres. C’est ça la bonne nouvelle.
Ce bref passage de quelques versets laisse entrevoir ce que sera l’attitude de Jésus qui fera « sacrer » les chefs religieux. Jésus sera ébloui par la foi et la vie de ceux qui ne sont pas dans le giron des gens corrects. Que l’on songe seulement à son admiration devant le centurion romain. Je n'ai jamais vu autant de foi dans la maison d'Israël (cf. Lc 7, 9). Je suis venu pour les pas corrects.
Jésus, parcourant la Galilée, appelle à voir qu’il y a de la foi, de l’amour, une vie pleine au cœur de l’humanité même la plus opaque. Son message est déroutant : pour voir Dieu, il faut pénétrer le cœur des gens et non leur comportement extérieur. Force est de constater que cette attitude de Jésus l’a fait entrer en conflit avec les prêtres du temple. L’on connaît la suite.
La peur de Jonas est d’oublier que le désir de devenir meilleur surgit dans tous les cœurs. Il avait la conviction que ce peuple ne pouvait pas changer[1]. Il a reculé. Pour lui convertir les Ninivites signifiait le ramener dans le giron de la religion. Il avait de la conversion une notion erronée. De l’aventure de Jonas, il faut retenir que les lointains se convertissent, changent leur manière de vivre, alors que les mandatés comme Jonas refusent de se laisser désinstaller et d’annoncer la Miséricorde.
Ce temps du carême nous offre de changer notre imaginaire sur la mission. Il appelle à une véritable conversion sur ce qu’est annoncer Jésus. Nous sommes souvent comme Jonas hésitant à nous rendre dans tous les Ninive d’aujourd’hui. Jonas voulait endoctriner les gens. Il se voyait un contrôleur de foi, voulait réintroduire dans la religion. Il se voyait prophète de malheur.
Il faut tellement surpris, voire choqué, de ne pas voir la destruction qu’il voulut mourir (lecture). Il est sauvé par l’histoire de l’arbre du ricin (cf. Jonas 4, 5-8). Et nous, combien de fois, ne sommes-nous pas déçus quand les choses ne se passent pas comme nous l’avons prévu. Le chrétien, chacun de nous, avons besoin d’être évangélisé par la miséricorde de Dieu plutôt que d’être prophètes de malheur. La mission ne vise pas à convertir à tout prix. Il s’agit de faire entendre la miséricorde de Dieu. Le poète Baudelaire a cette belle expression à méditer longuement : de la boue, j’en ferai de l’or.
Retenons ceci : Jonas nous donne une bonne leçon d’évangéliser. Il ne s’agit pas de maudire, condamner, mais de donner à chacun la possibilité où qu’il se tienne, quelle que soit sa manière de vivre, la possibilité d’entrer en contact avec Jésus. Demandons-nous si nous prenons ce chemin. AMEN.