2022-C- Lc 12, 8-12- samedi de la 28e semaine ORDINAIRE- se déclarer pour Jésus.
Année C : samedi de la 28e semaine ORDINAIRE (litco28s.22)
Lc 12, 8-12 ; Ep 1, 15-23 : se déclarer pour Jésus
Je suis vôtre parce que vous m’avez créée, vôtre, puisque vous m'avez rachetée, vôtre, puisque vous m'avez supportée, vôtre, puisque vous m'avez appelée, vôtre, puisque vous m'avez attendue. […] À tout, je dis oui, qu’ordonnez-vous qu’il soit fait pour moi ? Si vous le voulez, donnez-moi l'oraison, sinon, donnez-moi la sécheresse, l'abondance et la dévotion, sinon, la stérilité. Souveraine Majesté, qu’ordonnez-vous qu’il soit fait pour moi ?
N’y a-t-il pas plus belle déclaration pour Jésus que cette prière-exclamation de Thérèse d’Avila ? Son point d’honneur ne fut pas sa personne. Il ne fut pas non plus les multiples monastères qu’elle a ouverts. Elle a lutté dans ses monastères pour que le point d’honneur soit de préférer Dieu en tout.
Pour éviter toute confusion entre un témoignage de vie et suivre Jésus, elle met en garde ses compagnes contre le danger de s’arrêter aux actions, aussi vertueuses soient-elles. Pour elle, s’arrêter à ce que nous faisons pour suivre Jésus, incluant la prière, risque de nous éloigner du but de la prière qui est de vivre en présence de Dieu. Le seul danger est de faire semblant. Prier, faire oraison, sera toujours nécessaire, mais ce ne sont que des moyens pour une fin qui est de vivre en présence de Dieu.
Une comparaison peut aider à comprendre cela. Elle me vient de Christian de Chergé qui s’excuse qu’elle soit un peu vulgaire. Prier, c’est comme s’arrêter à une pompe à essence pour faire le plein : évidemment, si on passait son temps à faire le plein de la voiture, ça ne servirait à rien d’avoir une voiture. La voiture est faite pour rouler. N’empêche que si on ne faisait jamais le plein, elle s’arrêterait. Quand on fait le plein, on n’avance pas ; ensuite quand on avance, c’est avec l’énergie qu’on a reçue[1].
Si j’avais compris, écrit-elle, comme je le fais maintenant qu’un si grand Roi habite ce petit palais de mon âme, il me semble que je ne l’aurais pas si souvent laissé seul[2]. Son point d’honneur ne portait pas sur une observance stricte, rigoureuse, aveugle des règlements. C’est cette vision-là qui l’a poussé avec Jean de la Croix, à une réforme en profondeur du Carmel. Cette option ne fut pas de tout repos. Ses opposants furent à ses trousses toute sa vie. Que l’on songe seulement à l’inquisition qui frappa ses écrits du sceau de l’index.
Rien n’arrêtait son choix de préférer le Christ. Ainsi en est-il aujourd’hui. Autour de nous, beaucoup se déclarent non pratiquants, disent leur distance devant une forme de pratique de la foi. Mais ces gens, et ils sont nombreux, disons-le ainsi, post-église, ont pour point d’honneur de ne pas être post Jésus tant ils continuent de se déclarer pour Jésus. La lecture, tantôt, mentionne l’action de grâce de Paul pour leur foi. Ceux qui ne sont pas ici, ne sont pas des incroyants. Leur chemin est seulement différent du nôtre.
Archimède disait : donne-moi un point d'appui, et je pourrai déplacer la terre. Quel est notre point d’honneur ? Sur quoi arrêtons-nous nos regards ? Sur quel point d’appui repose notre vie ? Préférons-nous regarder nos imperfections plutôt que de préférer Dieu, son regard ? Insistons-nous plutôt sur la recherche de la perfection que sur la spiritualité de l’imperfection, comme la petite Thérèse. Que Dieu soit notre préférence. Amen
[1] Salenson Christian, Retraite sur le Cantique des Cantiques, Ed. Nouvelle Cité, 2013, p.96-97
[2] Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église Chemin de perfection, ch. 28