Ajouter un commentaire

Année C : samedi de la 26^e semaine ORDINAIRE (litco26s.22)    1 oct

Lc 10, 17-24 : La foi au ras du sol. 

Heureux les yeux qui voient. Heureux ceux qui entendent. L’œil n’a jamais fini de voir, l’oreille d’entendre (cf. Sg 1,6). Dans les versets précédents, Jésus envoie ses disciples en avant de lui. Avec réalisme, il les prévient que toutes les portes ne s’ouvriront pas devant eux. Vous ne serez pas les bienvenus partout. Je vous envoie comme des agneaux parmi des loups. Jésus reconnaît qu’il y aura toujours des ennemis de la paix. Vous laisserez jusqu’à la poussière du sol.  Ils demandent à ses disciples de vivre comme des agneaux. Ailleurs, il dira comme des colombes.

Voir et entendre que l’essentiel des envoyés est de prendre une distance vis-à-vis de la réussite et de l’échec. De ne pas tirer des conclusions trop rapides. Il ne s’est pas de se conformer à la logique de ce monde - n’emportez pas de bâtons-, mais a choisi de vivre d’une autre logique, d’une autre règle de vie, celle de la louange. Père, je te rends grâce. Voir et entendre que Jésus ne s’arrête pas sur l’accueil que recevront ses disciples, mais sur comment ils se comporteront. Ce n'est pas parce que je vous envoie parmi les loups, leur dit-il, que vous devez devenir vous-mêmes des loups. Jésus les appelle à affronter un double réalisme : réagir comme des loups ; vivre comme des colombes.

La logique de ce monde veut que nous nous défendions, que nous nous protégions pour ne pas être blessés, rejetés, humiliés, en évitant d'aller là où pullulent les scorpions et les serpents. La logique de l’évangile, comme des colombes, est de tout vivre à partir de l’essentiel : annoncer Jésus, c’est vivre les revirements inattendus, les retournements actuels en mettant notre fierté dans la Croix du Seigneur (cf. Ga. 16.14). Thérèse nous apprend cela, elle qui vit parfaitement sa maladie, ses imperfections. Quelqu’un a écrit qu’elle a démocratisé nos imperfections.

Si nous jugeons nos vies avec les paramètres de notre monde, nous serons dépressifs, découragés jusqu’à baisser les bras. L’annonce de l’évangile, une vie évangélique, ne s’appuie pas sur des résultats éclatants, mais sur cette conviction que son « petit chemin » conduit loin si nous « collons » tout ce que nous vivons sur l’amour de Dieu. La perfection me paraît simple, je vois qu'il suffit de reconnaître son néant et de s'abandonner dans les bras de Dieu.

Jésus nous envoie avec le pouvoir d’écraser scorpions, serpents et toute la puissance de l’Ennemi en chantant toujours et partout la vie en dépit des circonstances. En dépit de nos petitesses. De nos vulnérabilités. Il nous demande d’être grain de blé même s’il semble se décomposer pour disparaître. Toute la vie du disciple-missionnaire se comprend non à partir des apparences, mais à partir de la fragilité humaine, de l’amour de Dieu, même vécu maladroitement.

Jésus envoie des disciples capables de vivre en bas de l’échelle. En cela, l’attitude de Thérèse nous présente un Dieu totalement nouveau, non-punitif, ni colérique devant nos échecs. C’est cette vision que Jésus partage en envoyant ses disciples parmi les serpents. Changeons nos perspectives de tout juger à partir de ce qui se voit. Priorisons de n’être que louange. Père, je te rends grâce.

Question. De quoi est faite sa louange, son action de grâce ? Je risque une réponse parmi tant d’autres, une réponse qui jaillit de l’attente de Jésus envoyant ses disciples devant lui : ne jamais séparer le temps sur terre de celui dans le ciel. Se cache là-dedans le sens profond de son royaume. Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. Son regard miséricordieux qu’elle projette sur son entourage, elle veut le poursuivre au ciel.  

La mission des disciples ne consiste pas à faire monter la terre jusqu’au ciel, mais à faire descendre le ciel sur la terre. Jean Guitton exprime bien cela : ce n’est pas le repos éternel, mais l’action éternelle qu’elle souhaite. Elle poursuivra au ciel son regard de miséricorde qu’elle a tant recherché et offert durant sa vie. Mon Dieu, donnez-moi de pouvoir agir éternellement avec vous.

Thérèse exprime bien cette manière de vivre en état de louange dans une lettre à sa sœur : faites au bon Dieu le sacrifice de ne jamais récolter de fruits. S’il veut que toute votre vie, vous n’aboutissiez à rien et ne lui donniez que votre bonne volonté, vos efforts, tout en tombant souvent : restez en paix. Au jour de votre mort, en un clin d’œil, le bon Dieu saura bien faire mûrir de beaux fruits [… ] car il est facile aux yeux de Dieu d’enrichir tout à coup le pauvre. AMEN.