2022-C--Lc 6, 43-49 -samedi de la 23e semaine ORDINAIRE- hommes de sable?
Année C : samedi de la 23e semaine ORDINAIRE (litco23s.22)
Lc 6, 43-49 : sommes-nous des hommes de sable ?
Il y a quelques années, Catherine Ternynck, docteure en psychologie, psychanalyste, publiait l’homme de sable. Elle observait que le sol s’appauvrit, qu’il devient friable, inconsistant, qu’il se vide de son humus. Elle posait cette question : serions-nous en train de devenir des hommes et des femmes de sable ? Sommes-nous en train de devenir une société, une Église liquide […], sans points fixes [...], privés de références solides et stables, dans une culture du jetable[1], se demande le pape François ?
La modernité liquide ne se fixe aucun objectif et ne trace aucune ligne d’arrivée […] c’est un état d’éphémère (Zygmunt Bauman, sociologue polonais). Sans ancrage, aucun trajet possible ; aucune fertilité possible ; aucune thésaurisation possible. Le virus de la mondanité spirituelle consiste à s’élever sans racines[2]. Nombreux sont les influenceurs qui nous font miroiter des trucs alléchants alors qu’ils ne sont que du liquide sans racine.
L’évangile entendu appelle à un travail de forage. À quoi tenons-nous ? Tout ce qu’a l’arbre de fleuri, et je cite un poète, lui vient de ce qu’il a sous terre. Nous sommes tellement bruyants que nous n’entendons plus la sève qui monte en nous. Nous porterons un beau fruit si nous permettons à la sève de circuler en nous. Donner de bonnes réponses sur le roc-fondation de nos vies qu’est Jésus ne compte pas si notre comportement est liquide. Cela sonne faux.
La vie ne se définit pas par l’extérieur, mais seulement et uniquement par les dispositions intérieures du cœur. Ce n’est pas la bouche qui donne le sens du discours, c’est le cœur dont il sourd. L’homme bon tire du bien du bon trésor qui vient de son cœur. La remarque de Jésus devrait nous questionner. Pourquoi m’appelez-vous, Seigneur, Seigneur, pour vivre ensuite sans racines ?
Dans son 6e message pour la journée des pauvres, le pape abonde en ce sens. La vraie richesse ne consiste pas à accumuler des trésors sur la terre, où les mites et la rouille consument et où les voleurs entrent et volent (Mt 6, 19), mais plutôt dans l’amour mutuel qui nous fait porter les fardeaux les uns des autres afin que personne ne soit abandonné ou exclu[3]. Se donner de la profondeur ne consiste donc pas à vivre les yeux au ciel sans rien voir autour de nous.
Quand les racines sont bien arrosées, l'arbre continue à prospérer ; sinon il se replie sur lui-même et meurt. Nous retournons à nos racines non pour nous cacher dans le passé, non pour se complaire du passé et d’y demeurer, mais pour se réapprovisionner, pour affronter les tempêtes, pour récupérer la sève, pour obtenir de la force, obtenir du jus et continuer à grandir[4]. Allez à nos racines, c’est la garantie de notre avenir (Mahler). Attention, on ne peut pas vivre seulement fixés sur nos racines ni vivre seulement à regarder l’arbre en oubliant la profondeur de ses racines. Aujourd’hui la tentation est de revenir en arrière déguisé en tradition[5]. Les racines nous élèvent.
À votre contemplation : sans nourrir nos racines, toute notre vie de foi perd de sa solidité, de sa fécondité. C'est comme s'arrêter pour regarder le tronc, les branches et les feuilles, en oubliant que tout est soutenu par des racines. Sommes-nous transmetteurs de la sève qui, des racines, va jusqu’aux fruits que l'Esprit veut produire aujourd'hui en nous et autour de nous ? AMEN.
[1] https://fr.zenit.org/articles/jubile-dominicain-les-bonnes-oeuvres-un-appui-solide-dans-une-societe-liquide/
[2] Sans racines, « toute tradition religieuse perd sa fécondité », affirme le pape - ZENIT – Français
[3] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/messages/poveri/documents/20220613-messaggio-vi-giornatamondiale-poveri-2022.html
[4] Voir la belle réflexion du pape https://www.vatican.va/content/francesco/it/speeches/2022/may/documents/20220519-collegio-pio-romeno.html