2022-C-Mt 13, 24-30 -samedi de la 16e semaine ORDINAIRE- que voyons-nous ?
Année C : samedi de la 16e semaine ORDINAIRE (litco16s.22)
Mt 13, 24-30 : que voyons-nous ?
Nous avons beaucoup d’idées sur le semeur. Ce n’est pas suffisant d’avoir des idées sur le semeur qui sont souvent déconnectées de la réalité. L’image du semeur peut devenir ridicule si on en perd sa racine profonde. C’est la réalité de son geste, sa profondeur qui compte vraiment. La parabole du semeur recadre notre regard, donne une direction à nos gestes, inspire des attitudes nouvelles et pousse à poser des gestes évangéliques.
Si nous jetons une pierre dans l’eau, elle se trouble. Elle s’agite. Cette parabole est comme une pierre jetée dans l’eau, elle perturbe notre logique humaine. Elle la questionne en profondeur. La réalité est toujours supérieure à l'idée. Et si la réalité est scandaleuse, tant mieux[1]. Cette parabole conteste la qualité des regards de ceux qui se croient parfaits et qui sont plus dangereux que l’ivraie. Elle pose un vrai problème, nous ne voyons pas toutes la même chose.
Ce geste du semeur est scandaleux. Il oriente nos regards sur autre chose que de tout voir en terme de correct et de non correct. De bonnes terres et de mauvaises terres. Elle soulève la question de la réalité humaine. Toute terre, bonne ou moins bonne, polluée ou en relative santé, a besoin d’ensemencement continu pour qu’elle puisse porter du fruit. Il faut voir au-delà de l’immédiat et se demander comment se porterait notre terre intérieure s’il n’y avait pas d’ensemencement régulier des cœurs.
Évitons d’être déconnectés de cette réalité. Il y aura toujours besoin de travailler le sol, notre sol. Dans ce geste du semeur, il y a un message déroutant et encourageant à la fois. Déroutant. Nous devons briser les barrières de bon et du mauvais, de l’ami et de l’étranger, du citoyen et de l’immigrant, des riches et des pauvres. Nous devons dépasser la vision usuelle du dualisme. Nous devons devenir des amoureux de la réalité de notre terre qui sera toujours complexe. Il n’y a pas que du bon ou mauvais sol. Certains sont rocailleux, d’autres asséchés par le vent. Tous les sols contiennent un minimum d’espoir même s’il est très coûteux de les décontaminer.
Encourageant. Il y a, dans ce geste, la vision de Dieu sur notre monde. Aucun sol n’est si contaminé qu’il ne peut plus être récupérable. C’est cela la réalité qui sous-tend la parabole du semeur. Notre « normalité » est radicalement bouleversée par cette réalité. Déconstruire nos valeurs de ce que sont une bonne et une mauvaise terre pour les remplacer par une compréhension profonde de toutes les terres.
Cette déconstruction n’est pas facile. Nous voyons à travers le biais de catastrophe ou de normalité, le biais de confort ou de complaisance ; le biais conspirationniste. Nous avons tous des filtres. Tout ce qui est vu est vu selon nos yeux. Notre cerveau appuie vite sur le bouton « j’aime »« je n’aime pas », « vrai »« faux » lorsqu’une nouvelle idée se présente. Comment recevons-nous cette parabole ? Sa vision de la réalité des terres ?
Nous pensons à partir de ce que nous sommes, de ce que nous avons vécu, de ce que nous vivons. L’œil éveillé de Jésus ne s’arrête pas et je paraphrase la Sagesse (cf. Qo 3, 3) sur ce temps pour détruire. Il regarde ce temps pour bâtir.
Avec vous, sur vous, peu importe la qualité de votre terre, je bâtirai mon Église. Notons que cette déclaration est au futur, un futur non comme une utopie ni comme un lendemain qui chante, mais comme un Projet. Nos regards sur l’opacité, l’indéfrichabilité des terres, sa corruptibilité, nous sommes amoureux des guerres, de l'esprit de Caïn, dit le Pape. Il poursuit que ce n'est pas un hasard si au début de la Bible il y a ce problème : l'esprit « caïniste » de tuer, au lieu de l'esprit de paix[2]. La parabole appelle à nous comporter avec humanité envers toute sorte de monde. Un champ est à moissonner. Qui enverrai-je ? C’est moi, c’est vous. C’est nous, comme Église, avec ses points faibles et ses forces. AMEN.