2022-C-Mt 12, 14-21 -samedi de la 15e semaine ORDINAIRE- Jésus est-il mort pour nous sauver ?
Année C : samedi de la 15e semaine ORDINAIRE(litco15s.22)
Mt 12, 14-21 : Jésus est-il vraiment mort pour nous sauver ?
Comprends-tu ce que tu lis, demande Philippe à l’eunuque (cf. Ac 8,30-31) ? Il s'approche d'un eunuque éthio-pien qui arrive à peine à déchiffrer l'araméen dans lequel est écrit le livre d'Isaïe. Il n’arrive pas avec des concepts théoriques et moraux. Il lui parle simplement de son expérience avec le Maître. Il l'accompagne dans sa tentative et soulève en lui des questions auxquelles il répond de manière si simple que l'étranger veut être baptisé. Et Philippe lui parle de Jésus sans recourir à ce qu’il a appris et lu sur lui, seulement de son impact dans sa vie.
Souvent, nous lisons et ne comprenons pas. Le sens de ce que nous lisons nous échappe. Nous pouvons énoncer les mots les uns après les autres, les « mettre ensemble » ne nous dit rien, pas par analphabètes, peut-être parce que nous pensons savoir, parce que nous avons reçu une solide éducation religieuse.
Ce matin, devant tant d’animosité contre la personne de Jésus, comprenons-nous le pourquoi des intentions de décider comment ils pourraient faire mourir Jésus ? Nous pouvons répondre ce que nous avons appris : Jésus est mort pour nous sauver, il s’est offert en sacrifice pour nous réconcilier avec lui (prière eucharistique # 3). Pour les croyants, Jésus est mort sur la croix pour leur apporter le salut, il est toujours vivant, il est ressuscité. Ce regard est un regard post-pascal que retient le Credo. Il passe sous silence le Jésus « d’avant » Pâques.
En citant Isaïe, finement, Matthieu annonce le comportement du « futur » Jésus. Isaïe porte son regard sur le Jésus « d’avant » Pâques, peut-être trop souvent négligé ou passé inaperçu. Il ne se disputera avec personne et ne criera pas, on ne l’entendra pas faire des discours dans les rues, il ne cassera pas le roseau déjà plié, il n’éteindra pas la lampe dont la lumière faiblit.
Le comportement du « futur » Jésus qu’entrevoit le prophète définit une nouvelle manière de vivre, une sorte d’alliance nouvelle. Isaïe entrevoit la façon dont Jésus vivrait, ce qu'il ferait, ce qu’il dirait, ce qui l'intéresserait et le préoccuperait, ce qu'il verrait chez les gens. Il annonce un Jésus qui gravera dans les cœurs une façon de vivre qui chambardera beaucoup de gens, qui « décoiffera » un comportement religieux tout axé sur l’extérieur, le visible. Son humanisme sera perçu comme une « mémoire dangereuse ».
Serait-ce plutôt cette nouvelle manière de vivre qui exacerbait les pharisiens, qui se sentaient menacés par le fils de Joseph et qui souhaitaient vivement sa disparition ? Serait-ce qu’ils n’ont pas compris les réponses que Jésus leur a données à Nazareth en ouvrant dans le temple le livre d’Isaïe ?
Il y a un fort courant exégétique aujourd’hui qui reconnaît que c’est la manière très humaine de vivre de Jésus, sa compassion, son accueil des purs comme des impurs, sa préférence pour les exclus qui furent des prétextes pour désirer sa mort. On a écrit que c’est parce que Jésus a perverti la religion qu’il fut déclaré « anathème » et qu’il doit être éliminé parce que dangereux.
L’important n’est pas de se positionner, de se crisper sur un Jésus « avant » Pâques ou sur celui « après » Pâques. Jésus ne s’est pas préoccupé de son avenir. Il s’est préoccupé du bien-être des gens, de leur santé, de satisfaire leur faim, et d’améliorer leur relation entre eux. Il éveillait à une terre nouvelle, un royaume ici et maintenant pour tous.
Et ces préoccupations étaient si fortes, que Jésus les a fait passer avant les règles imposées par les docteurs la loi, les observances des pharisiens, l'autorité des grands-prêtres. Cela lui a coûté sa vie. Jésus a agi ainsi en réponse aux attentes de son Père (cf. Jn 14,7-9). Celui-ci est mon fils, écoutez-le. Ce qui fut central dans la vie de Jésus, ce n'était pas la religion. C'était d'humaniser ce monde si déshumanisé.
Jésus s’est préoccupé des humains. Il n’avait qu’un projet : humaniser la vie, sauver la vie pour lui éviter qu’elle ne devienne infernale, inhumaine. Il ne cassera pas le roseau déjà plié, il n’éteindra pas la lampe dont la lumière faiblit. AMEN.