2022-C-Jn 17, 11b-19- mercredi de la 7e semaine de Pâques- le monde est malade
Année C : mercredi de la 7e semaine de PÂQUES (litcp07e.22)
Brutalité, atrocité, inhumanité, barbarie, les dictionnaires ne suffisent pas à décrire ce que nous voyons et vivons ces derniers temps. Nous sommes en présence de l’échec de l’humanité. Il n’y aura pas d’avenir pour l’humanité tant que le pouvoir oppresseur de dirigeants paranoïaques continuera d’alimenter un brasier planétaire. Aucune solution n’est possible sans la promotion d’un grand projet humanitaire que Jésus propose dans sa prière sacerdotale : que tous soient un.
Le monde est malade. Son mal réside dans le manque de fraternité entre les hommes et entre les peuples (Paul V1, populorum progressio no 66). Il est urgent de passer du pouvoir oppresseur qui écrase et brime toute opposition à un pouvoir séduisant, celui d’une fraternité universelle où chacun refuse de faire sentir aux autres ses désirs de pouvoir. Il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme, ni femme, ni Juif, ni Grec (Ga 3,28). Au temps de Paul, une telle déclaration paraissait hérétique tant elle équivalait à une authentique subversion dans la sphère politico-religieuse[1]. À la mondialisation du pouvoir, Jésus propose la mondialisation fraternelle qui est le seul logiciel qui nous permettra de survivre dans le futur[2].
Le pape et le chef musulman Abou Dhabi affirment que parmi les causes les plus importantes de la crise du monde moderne, on trouve une conscience humaine anesthésiée[…]la domination de l'individualisme et des philosophies matérialistes[3].
Dans sa prière sacerdotale, Jésus propose d’allumer le brasier de la foi en la fraternité. Ce brasier court tout au long de l’Évangile. Jésus prie pour que nous soyons capables de fraternité, d’union entre nous. Attention, il ne s’agit pas seulement de prier pour l’Ukraine, pour la paix, pour plus de justice pour que se réalise ce grand rêve de Jésus. Tel n’est pas le but de la prière. Ce serait nous déresponsabiliser. On ne peut plus penser de manière crédible à Dieu (…) prêt à intervenir périodiquement dans l’histoire humaine et à imposer sa volonté[4]. Que tous soient un n’est pas un appel à une fraternité purement intérieure, spirituelle ni une promesse d’un au-delà meilleur. Mettez votre foi en pratique (cf. Jc 1, 23).
Songeons un instant que s’il s’agit seulement de demander pour recevoir (cf. Mt 7,7), cela ferait de Dieu un gestionnaire tout-puissant, autocrate, qui détiendrait les cordes de l’humanité et qu’il suffirait de crier vers lui pour qu’il change la trajectoire humaine. Ce ne sont pas ceux qui disent, Seigneur, Seigneur (Cf. Mt 7, 21) ; ne rabâchez pas comme les païens (cf. Mt 6,7).
Ce n’est pas Dieu qui va créer des conditions favorables à la fraternité entre nous. Dieu nous respecte trop pour faire à notre place. Notre engagement à travailler, à se rencontrer, à se comprendre, à se mouiller, à être des gardiens de la fraternité, à entrer dans l’Esprit d’unité de cette grande prière sacerdotale est indispensable pour réaliser le rêve de fraternité de Jésus.
Jésus confirme cela. Je ne les retire pas du monde, mais seulement du Mauvais. La lettre à Diognète montre que les chrétiens sont l’âme du monde, qu’ils sont dans le monde, mais ne vivent pas de l’esprit du monde. Il faut, dit Paul dans la lecture, travailler pour venir en aide aux pauvres que sont ceux qui mènent une vie sans considération pour les autres, une vie dépourvue de tout humanisme et qui se caractérise aujourd’hui par ce mouvement mondial du populisme, cette idéologie qui exclut des peuples entiers de leur horizon.
Je termine par cette réponse que donnait un grand théologien, Francisco de Victoria, à qui on demandait pourquoi ne pouvons-nous pas faire des miracles, comme les Apôtres ? Si nous en faisions, les Indiens nous écouteraient, ils croiraient en l’Évangile, et tout serait plus simple. Alors pourquoi Dieu ne nous donne-t-il pas ce pouvoir ? Vitoria répondit simplement : vivez la vie commune, vivez ensemble sans vous diviser, et ce sera un véritable miracle, qui convertira les Indiens. Tel est le chemin pour allumer la braise de fraternité qui court sous la cendre de nos tragédies. C'est à cette profondeur que nous conduit la prière de Jésus. AMEN.
[1] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2021/documents/papa-francesco_20210908_udienza-generale.html
[3] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/travels/2019/outside/documents/papa-francesco_20190204_documento-fratellanza-umana.html
[4] John Shelby Spong , Pour un christianisme d’avenir, Karthala, Paris 2019.