2022-C-Jn 16, 23b-28- samedi 6e semaine du temps pascal- temps de la relation
Année C : samedi de la 6e semaine de PÂQUES (Litcp06s.22)
Jn 16, 23b-28; Ac 18, 23-28 : le temps de la relation.
Tous les fans d’Astérix le savent, ça finit toujours bien. La dernière phrase ou image est toujours une bonne nouvelle. L’histoire de chaque page d’Astérix se termine toujours bien. Pour moi, le mot le plus important en lisant cette dernière rencontre de Jésus avec les siens, est le mot béatitude. Il rejoint le premier mot de l’histoire Jésus : réjouis-toi, Marie.
Réjouis-toi, béatitude. L’un inaugure la bonne nouvelle, l’autre la termine. Jean, dans son discours d’adieu de Jésus, trace l’itinéraire d’une vie béatitude. Sa joie fut de nous montrer son visage. Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera (cf. Jn 16, 22). Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps, affirme Matthieu en conclusion de son évangile. Ce petit avec est le résumé d’un départ qui n’en est pas un.
Le message le plus important que Jésus laisse à ses disciples en les quittant est son engagement à maintenir une solide relation avec eux. Je serai toujours avec vous au milieu de vos moments de joie comme au milieu de vos « enfers » aussi. Jésus, à scruter les évangiles, est celui qui fut tout sa vie avec nous, pour nous nourrir, guérir, pardonner, relever, cheminer. Il fut aussi avec ceux qu’on laisse sur le bord du chemin ou qui ne répondent pas aux normes de la bienséance.
Jésus a parcouru toutes les étapes de sa vie dans une relation indéracinable avec les siens, une relation qu’aucune atrocité ne viendra rompre. L’histoire ne retient pas de Jésus que les comportements de rejet de ses disciples, n’a altéré sa promesse nuptiale de ne pas les quitter, de ne pas se séparer d’eux. Il n’a jamais trahi son oui, je le veux. Sa mort sur la croix atteste qu’il n’a jamais été que oui (cf. 2 Co 1, 19). Jésus n’a jamais séparé ce que Dieu a uni, pour prendre une formule bien connue.
Nous sommes incapables d’imaginer la profondeur de son oui, je le veux. Sa relation profonde avec nous fut un oui d’amour inconditionnel et non de soumission écrasée. Un oui qui redresse nos courbatures (cf. Lc 10, 13-17), réchauffe nos relations refroidies, nous fait renaître une deuxième fois (cf. Jn 3, 4) qui nous libère d’un regard morbide sur soi. Si Jésus nous décrivait ce qu’il voit en nous, nous dirions qu’il est aveugle. Ses yeux sont trop purs pour briser son oui, je le veux, sa relation avec nous.
Le Cantique des cantiques est une très belle métaphore de la rencontre entre Dieu et nous. Lève-toi, quitte-toi, ma bien-aimée, reviens (Cf. Ct 2, 10). Paul exprime cela autrement. Nous avons été saisis, mais nous n’avons pas saisi (cf. Ph 3, 12). Son départ appelle un autre regard, celui de la foi. Quand Jésus échappe à notre vision, quand il ne se donne plus à voir, cela ne signifie pas qu’il est absent. Il se donne à croire. Il est venu, mais signe de son immense respect pour notre autonomie, il ne s’impose pas. Notre béatitude, c’est de lui dire reviens, reste avec nous, le jour décline (cf. Lc 24, 29).
Jésus annonce qu’il fait semblant de briser la relation. Saint Bernard offre cette réflexion. Avec discrétion, il entre en relation avec moi, mais moi, je ne l’ai pas senti chaque fois. Jamais je n’ai eu le sentiment ni de son entrée ni de sa sortie. Tant que je vivrai, j’userai familièrement cette parole de l’épouse, reviens[1].
Jésus est venu un jour, c’est pour toujours. Une mystique béguine dit cela : c’est en s’éclipsant qu’il se laisse trouver. S’il se cache, il nous révèle ses secrets[2]. De la même manière que vous l’avez vu partir, il reviendra (cf. Ac 1, 11). Lisons ce départ comme le mystère de la visitation permanente de Jésus que le Cantique des cantiques présente comme l’histoire d’un baiser, signe d’une nuptialité inédite de Dieu avec nous.
À votre contemplation, comment nous attrister de son départ quand chaque matin communiant à lui, il nous confirme qu’il ne nous quitte pas, qu’il ne brise pas sa relation avec nous. Personne ne peut nous ravir cette joie (Jn 16, 22). AMEN.
[1] Bernard de Clairvaux, sermon # 74 sur le Cantique, in retraite sur le Cantique- Christian de Chergé, Nouvelle Cité 2003
[2] Ibid p. 80